Empoisonneuse, mais pas tueuse : Patricia Dagorn a écopé de la peine maximale, 14 ans de prison, pour avoir administré du Valium à deux de ses amants, mais a obtenu son acquittement pour l'assassinat de deux autres.
L'accusation décrivait Mme Dagorn comme une empoisonneuse en série, s'attaquant à des hommes d'âge mûr sur la Côte d'Azur pour faire main basse sur leurs biens. Les jurés l'ont condamnée à la peine maximale encourue pour "administration de substances nuisibles" à deux octogénaires.
Ses victimes, Ange Pisciotta et Robert Vaux, avaient rencontré en 2011 Mme Dagorn via une agence matrimoniale. Installée depuis peu sur la Côte-d'Azur, celle-ci les a empoisonnés au Valium, versé selon l'enquête dans leur salade d'endives, leur gâteau au chocolat ou encore leur café pour en cacher l'amertume.
Après avoir coupé ses victimes de leur entourage, elle tentait d'être désignée comme leur légataire ou d'obtenir des fonds.
Mais les jurés d'appel n'ont pas suivi l'avocate générale, qui avait requis 30 ans de réclusion criminelle. Contrairement au verdict de première instance à Nice, où Mme Dagorn avait écopé de 22 ans de prison, l'accusée, âgée de 58 ans, a échappé à une condamnation criminelle pour l'assassinat de deux autres anciens amants.
Francesco Filipponne, un maçon retraité de 85 ans, est mort en février 2011, près de Cannes, et un autre de ses amants, Michel Knefel, un SDF qu'elle fréquentait, a succombé dans un hôtel niçois. Tous deux avec des traces de Valium dans le sang.
Mardi matin, dans ses derniers mots depuis le box de la cour d'assises d'appel d'Aix-en-Provence, Mme Dagorn, vêtue d'un ample pull beige, avait une nouvelle fois clamé son innocence. "Je suis victime d'une erreur judiciaire", avait lancé cette accusée en détention préventive depuis sept ans, et dont les propos décousus ont plus d'une fois dérouté la cour.
- Passionnée de cuisine -
Son avocat Cédric Huissoud avait plaidé l'acquittement, dénonçant une procédure "sans queue ni tête" et "sans élément" prouvant que Mme Dagorn avait pour but d'escroquer les victimes en volant leurs biens ou en captant leur héritage.
Il avait souligné la fragilité des multiples expertises sur laquelle s'appuyait l'enquête, que ce soit pour décrire la psychologie complexe de l'accusée ou pour tenter de retracer les circonstances de la mort des victimes. L'une avait été déclarée décédée de cause naturelle par son médecin.
Lors du procès en appel, une enquêtrice avait dû reconnaître l'absence de preuve dans le dossier, après avoir décrit un "mode opératoire immuable, comme chez les tueurs en série". Pour entrer en contact avec ses victimes, Mme Dagorn faisait appel à des agences matrimoniales, indiquant vouloir rencontrer des hommes aisés, de 50 à 80 ans ou plus.
L'avocate générale Béatrice Vautherin avait au contraire souligné la "dangerosité" de Patricia Dagorn, s'alarmant d'une certaine "jouissance à donner la mort à ces vieux messieurs", et de "la haine qu'elle a à l'égard des hommes".
"Les êtres que l'on rencontre à la cour d'assises ne sont pas des monstres", avait cependant insisté la magistrate, s'indignant du surnom de "Veuve noire de la Côte d'Azur" dont a été affublée Mme Dagorn, qui a grandi dans une famille d'accueil, n'a jamais travaillé et a été brutalisée et violée par son ex-mari.
Elle avait décrit une accusée vivant "sans loi et sans lien avec personne", mais avec une lubie, "faire main basse sur la richesse des autres". Une obsession dont la prison ne l'aurait pas guérie, selon la magistrate, qui a exhumé une lettre envoyée par Mme Dagorn, alors en détention, à une nouvelle agence matrimoniale, en Suisse, pour y trouver des millionnaires à épouser.
Mme Dagorn a expliqué à l'audience suivre des soins psychiatriques en prison et envisager déjà une réinsertion. "Passionnée" de cuisine, celle qui a été condamnée pour deux empoisonnements s'imaginerait bien devenir serveuse, dans un bar ou un restaurant.
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