La fin de deux jours de traque. Chérif Chekatt, l'auteur de l'attentat du marché de Noël à Strasbourg, a été tué par les forces de l'ordre jeudi soir, après avoir tiré sur des policiers qui tentaient de l'interpeller et ont riposté.
Deux personnes de l'entourage de l'assaillant de l'attentat de Strasbourg, tué jeudi soir par la police après deux jours de traque, ont été placées en garde à vue la nuit dernière portant le total à sept gardes à vue, a annoncé vendredi le procureur de Paris, Rémy Heitz.
Il s'agit des "quatre membres de sa famille, placés en garde à vue dans la nuit de mardi à mercredi dernier, et trois membres de son entourage proche, dont un placé en garde à vue hier matin et deux cette nuit", a déclaré le magistrat antiterroriste. "L'enquête va désormais se poursuivre pour identifier d'éventuels complices ou coauteurs susceptibles de l'avoir aidé ou encouragé dans la préparation de son passage à l'acte", a-t-il ajouté.
Comment les forces de l'ordre ont repéré et abattu l'individu
Le procureur est auparavant revenu sur les conditions dans lesquelles Chérif Chekatt, un délinquant de 29 ans fiché S pour radicalisation islamiste, a été abattu jeudi soir par la police dans le quartier du Neudorf. C'est dans cette zone, au sud du centre-ville qu'avait été perdue sa trace après son périple meurtrier qui a fait trois morts, une quatrième victime en état de mort cérébrale et plusieurs blessés graves.
"C'est une patrouille de police qui a remarqué à 21H00, marchant rue du Lazaret, un homme, un individu, dont le signalement pouvait correspondre à l'auteur des faits", a rapporté le magistrat. "Celui-ci, qui a détecté la présence du véhicule de police, (...) a alors fait mine de rentrer dans l'immeuble au numéro 74 de cette rue", sans succès, a-t-il ajouté.
Les policiers se sont alors signalés et "l'individu s'est retourné pointant son arme (semblable à celle utilisée mardi soir) dans leur direction, pour tirer", selon le procureur. "Un projectile a atteint le véhicule de la police au-dessus de la portière arrière gauche. Deux des trois policiers ont alors riposté, tirant à de nombreuses reprises, et tuant l'auteur", a-t-il précisé. "Le décès de Chérif Chekatt, formellement identifié par la comparaison (...) de ses empreintes digitales, a été constaté à 21h05".
Notre équipe envoyée à Strasbourg s'est rendue à l'endroit précis où Chérif Chekatt a été abattu. "Il y a encore des impacts de balles sur la porte de l'immeuble, qui témoignent de la violence des échanges", a indiqué Mathieu Langer en direct dans le RTL INFO 13H.
Les impacts de balle sont visibles sur la porte - photo RTL INFO
"Les enquêteurs ont saisi sur lui un revolver ancien chargé de six munitions dont cinq étaient percutées. Ils ont par ailleurs retrouvé sur lui un couteau et huit autres munitions de calibre 8mm dans la poche intérieur de sa parka", a indiqué M. Heitz.
La localisation du fugitif a bénéficié de l'appel à témoins lancé mercredi soir, qui a "permis de recueillir près de 800 appels" et de "considérer comme probable la présence du fugitif dans le quartier du Neudorf", selon le procureur. Parmi les témoignages "déterminants", le magistrat a cité celui "d'un riverain ayant vu un homme rue d'Epinal franchir une clôture et d'une autre personne signalant sa présence possible rue du Doubs". "Une opération d'ampleur mobilisant un hélicoptère était engagée dès 19H30 afin de concentrer les recherches sur ce secteur", a-t-il indiqué.
Un membre de l'Etat islamique
L'homme "faisait partie des soldats" du groupe Etat islamique, a affirmé peu après Amaq, son média de propagande, cité par le groupe de surveillance des réseaux extrémistes SITE. Le groupe EI appelle régulièrement à viser les pays, dont la France, membres de la coalition internationale anti-jihadiste en Syrie et en Irak.
D'après le ministre français de l'Intérieur, Christophe Castaner, il s'agit d'une revendication "totalement opportuniste" de l'EI.
Applaudissements pour les policiers
Vers 1h30, le chef du parquet antiterroriste Rémy Heitz était en route pour Strasbourg mais les investigations réalisées dans la soirée ont déjà "permis d'identifier formellement" Cherif Chekatt, a annoncé le parquet de Paris.
D'après une source policière, il était seul au moment où il a été abattu et se trouvait au pied d'un immeuble de ce quartier populaire et résidentiel.
Un très important dispositif de police était déployé jeudi soir et bloquait l'accès à la rue, a constaté un journaliste de l'AFP. "J'ai vu les voitures commencer à fermer la rue, des policiers cagoulés en train de courir (...). Ensuite, on a entendu des coups de feu, 'bim, bim, bim', et voilà, quoi", a raconté Saïf, 40 ans, à l'AFP.
Les forces de l'ordre ont été applaudies par les badauds, rassemblés au niveau du périmètre de sécurité. "Bravo !!!", ont lancé certains d'entre eux.
Oui c'est un soulagement
"Merci à l'ensemble des services mobilisés, policiers, gendarmes et militaires. Notre engagement contre le terrorisme est total", a tweeté Emmanuel Macron, qui selon l'Elysée a suivi "en temps réel les dernières évolutions".
"Le fait qu'il soit arrêté, oui c'est un soulagement (...) On ne se sentait pas vraiment trop en sécurité", a confié à l'AFP Arthur, 18 ans, un habitant du quartier du Neudorf.
"Je suis étudiante belge en Erasmus à Strasbourg. J'ai entendu les tirs comme des rafales et peu de temps après un incroyable défilé de voitures de police et des forces spéciales. C'était très impressionnant. Mais quel soulagement qu'il soit mort", a témoigné Pauline via notre bouton orange Alertez-nous.
L'homme avait pris la fuite à bord d'un taxi
Mardi soir, peu avant 20H00, il était entré dans le centre historique de la ville et avait ouvert le feu à plusieurs reprises sur les passants, et en avaient blessé d'autres au couteau. Des témoins l'avaient entendu crier "Allah Akbar".
Il avait ensuite échangé des tirs avec les forces de l'ordre et avait été blessé à un bras avant de réussir à s'enfuir à bord d'un taxi, à qui il avait raconté ce qu'il venait de faire. Un témoignage "fondamental" qui permettra de l'identifier rapidement, de placer cinq de ses proches en garde à vue et de perquisitionner leurs domiciles, précise une source proche.
Il avait une affiche de Ben Laden dans sa cellule
Né à Strasbourg, Chérif Chekatt avait un passé judiciaire très lourd (27 condamnations en France, Allemagne et Suisse) et était fiché "S" ("sûreté de l'État") pour sa radicalisation islamiste.
A chacun de ses séjours en prison il avait été repéré pour son prosélytisme "parfois agressif" (il avait une affiche de Ben Laden dans une de ses cellules). Selon une source proche de l'enquête, il était suivi activement depuis sa sortie de prison, et ce jusqu'à mardi, sans que des velléités de passage à l'acte ne soient détectées.
Son suivi par la DGSI, les renseignements intérieurs, a été maintenu jusqu'à l'attaque de mardi soir mais il n'avait révélé "ni velléité de passage à l'acte, ni même sa radicalisation". "Aucun lien avéré avec la Syrie" n'a par ailleurs été établi, toujours selon cette même source.
Selon plusieurs sources, un de ses frères, fiché S, seule personne de son entourage à apparaître comme radicalisée, a été interpellé en Algérie.
Le jour de l'attaque, il devait être interpellé par les gendarmes dans le cadre d'une enquête de droit commun, mais avait échappé à cette arrestation.
Mercredi soir, la police nationale avait lancé un appel à témoins pour retrouver cet "individu dangereux".
Parmi les blessés, trois personnes sont toujours entre la vie et la mort, et trois sont sorties de l'hôpital, a indiqué Christophe Castaner à la préfecture à Strasbourg, où il était arrivé jeudi en début de soirée.
Il a annoncé que le marché de Noël, qui attire chaque année deux millions de touristes, rouvrira vendredi.
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