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Gardiennes de l'eau, les communes rurales veulent peser face aux villes

 
 

Entre le "trop d'eau" et le "pas assez", les communes rurales sont en première ligne face au dérèglement climatique, mais craignent de ne plus peser sur la gestion de la ressource avec le transfert de compétences prévu en 2026, s'estimant lésées par rapport aux villes.

Le réchauffement climatique, l'édile Christine de Neuville en fait chaque année l'amère expérience. Faute de ressources suffisantes en eau, sa commune de Vicq-sur-Breuilh, dans le Limousin, en achète depuis dix ans.

"Je n'ai pas de problème de fuites sur mes réseaux, mais tout d'un coup il y a dix ans j'ai commencé à avoir besoin d'eau au moment de l'étiage en octobre, puis en août, et en 2022 j'ai eu besoin d'eau en mai", raconte-t-elle lors du "grand atelier pour la transition écologique", organisé fin septembre en marge du congrès des maires ruraux à Saint-Julien (Côte-d'Or).

A l'été 2022, un millier de petites communes s'étaient retrouvées en difficulté, dont près de 750 avaient dû être alimentées par camion-citerne ou bouteilles d'eau.

Pour améliorer la gestion de l'eau et lutter contre les fuites, la compétence "eau et assainissement" des communes sera transférée aux communautés de communes au 1er janvier 2026.

Mais selon l'élue, ce transfert n'aura aucun impact pour sa commune.

"C'est vraiment jouer petit bras car le problème est beaucoup plus large que ça. Les solidarités doivent aller bien au-delà des communautés de communes, des départements et des régions", estime-t-elle.

D'autres craignent de voir le prix de l'eau grimper, comme Jacky Favret, maire de Blondefontaine (Haute-Saône), qui vient d'investir plus d'un million d'euros dans des réseaux de traitement des eaux usées et d'eau potable.

"Notre communauté de communes, c'est 47 communes, mais comme certaines n'ont pas voulu jouer le jeu et faire des travaux, le prix de l'eau risque de grimper pour tout le monde", déplore-t-il.

- "Déficit démocratique" -

Plus globalement, c'est le rapport du monde rural à la ville qui est questionné.

"Pour des raisons de longueur de réseau et de nombre d'abonnés, l'eau est à plus de 3 euros le m3 chez nous à la campagne, contre un peu plus d'1,80 euro dans la métropole. Ce n'est pas normal de ne pas avoir de prix uniforme entre villes et campagnes", juge Philippe Algrain, édile de Fleurey-sur-Ouche (Côte d'Or).

Elu du Var, Michel Gros connaît bien le sujet des pénuries d'eau et fustige lui un "deux poids, deux mesures".

"La plupart du temps, les cours d'eau qui alimentent les villes trouvent leur source à la campagne", souligne le maire de La Roquebrussanne. "Il y a un an, nous étions en alerte sécheresse et on nous a interdit d'arroser les arbres que nous avions plantés, alors que la métropole toulonnaise était deux niveaux d'alerte en dessous de nous, alors qu'elle gagne plusieurs dizaines de milliers d'habitants chaque été et qu'on boit la même eau", se souvient l'élu qui aimerait que les métropoles aussi "consomment moins d'eau".

Les élus ruraux, dont les communes représentent 88% du territoire, plaident pour être davantage associés à la gestion des ressources naturelles qu'ils abritent et contribuent à entretenir.

"Sur l'eau, on parle par acronymes et en termes hyper techniques, mais quand il faut agir, on voit qu'il y a un déficit démocratique au détriment des territoires ruraux qui vont devoir dealer dans des structures où la voix de la métropole écrase celle des autres", souligne Fanny Lacroix, maire de Châtel-en-Trièves (Isère).

Par manque d'eau, certaines communes ont choisi de ne plus accorder de nouveaux permis de construire.

"On achève la révision du plan local d'urbanisme pour arrêter l'urbanisation parce qu'on arrive à la limite, notamment en termes d'assainissement", témoigne Philippe Algrain, dont la commune a accueilli 250 nouveaux habitants entre deux recensements, "beaucoup trop", selon lui.

"L'eau est le premier sujet qui nous fait toucher la limite de notre modèle de développement de l'habitat", reconnaît Benjamin Raquin, maire de Grand-Corent (Ain). Et de se demander s'il ne faudra pas bientôt "remettre les citernes d'il y a cent ans dans les maisons".


 

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