Ancien fugitif le plus recherché de France, le Corse Jean-Luc Germani, a raconté vendredi devant les juges comment, en pleine cavale, il avait filé au nez et à la barbe des gendarmes sur un "coup de poker".
Chemise bleu ciel, il a la mine détachée de celui qui en a vu d'autres : Jean-Luc Germani ne peut réprimer quelques sourires lorsqu'il évoque la soirée du 29 juin 2011, devant le tribunal correctionnel de Marseille.
A l'époque, et depuis quelques jours, toutes les polices sont aux trousses de cette figure du milieu corse : déjà mis en cause dans l'assassinat du cousin d'un ancien "parrain" de l'île, il est recherché pour un fracassant coup de force au cercle de jeu parisien "Wagram", contrôlé par un gang rival.
Après une descente de police chez lui, l'amateur de chasse au sanglier prend le maquis : "J'ai préféré attendre, et voir ce qu'il se passait", raconte-t-il à la barre.
Avec Stéphane Luciani, considéré comme son fidèle homme de main, ils se terrent à San Giuliano (Haute-Corse), avec fusils et faux papiers, dans un camping-car. Ce père de deux enfants prétend l'avoir loué auparavant pour des vacances en famille.
"Germani en camping-car ? Vous m'excuserez !", sourit le président du tribunal, Patrick Ardid. L'homme, aujourd'hui âgé de 52 ans, fréquentait plus volontiers les hôtels de luxe parisiens, rappelle-t-il.
- Comme un cabri -
Ce soir-là, trois gendarmes qui font des contrôles de routine, s'approchent du camping-car. Sous de fausses identités, les deux fugitifs affirment être un couple gay, garé en bord de plage pour avoir la paix.
Les gendarmes mobiles sont à deux doigts de mettre fin au contrôle. Mais tout à coup, Germani "saute comme un cabri" hors du camping-car, décriront-ils.
Il s'enfuit à toutes jambes à travers les vignes. Rattrapé après quelques centaines de mètres, il se met en position de tir et braque le militaire qui le poursuit.
"Regarde ta poitrine !" Sur son gilet pare-balle, le point rouge d'un laser. Effrayé, le gendarme détale et Germani s'enfuit.
"C'était un coup de poker, je l'ai joué comme ça", avec un simple et inoffensif viseur laser, affirme-t-il à la barre. "Vous étiez l'homme le plus recherché de France, vous n'avez pas que des amis en Corse, et vous sortez pas +calibré+ ?", tente le président du tribunal. "J'avais pas d'arme", répète Germani.
La procureur, Audrey Jouaneton, a reconnu qu'aucun élément du dossier ne prouvait formellement le contraire. Le gendarme, lui, n'est pas venu témoigner.
Après ce fiasco policier, la traque de Jean-Luc Germani durera plus de trois ans. "J'ai vécu discrètement, j'ai une grande famille corse et ça m'a pas coûté grand-chose", affirme-t-il.
Le 27 novembre 2014, il est arrêté en plein après-midi à La Défense, dans les Hauts-de-Seine, par des policiers spécialisés.
Aujourd'hui âgé de 52 ans, Germani a été condamné deux fois à six ans de prison, en juin 2015 pour l'affaire du "cercle Wagram", et en février 2016 pour association de malfaiteurs en vue de la préparation du meurtre de Jean-Claude Colonna, cousin de l'ancien parrain de l'île de Beauté "Jean-Jé" Colonna.
Vendredi, il a écopé d'une peine, qui sera confondue avec les précédentes : 4 ans supplémentaires pour "violences volontaires", mais aussi pour détention de faux papiers, d'explosifs artisanaux, et de deux fusils de chasse trafiqués - "pour la battue au sanglier", a-t-il prétendu.
"On est en cavale, et on va prendre le risque de partir à la chasse, interdite, et de se faire contrôler ? Vos sangliers, ils étaient pas fichés au grand banditisme peut-être ?", a ironisé la procureur.
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