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Découvrez "ISIS The End?", le jeu de rôle sur la radicalisation qui a même séduit le gouvernement français

Découvrez "ISIS The End?", le jeu de rôle sur la radicalisation qui a même séduit le gouvernement français
 
 

Neufs étudiants, des idées et la naissance d’un projet: aborder la radicalisation islamiste chez les jeunes par le biais d’un jeu de rôle en ligne.

Neuf étudiants en journalisme de l'université de Lyon en France ont créé "ISIS The End?" que vous retrouvez gratuitement sur internet à l'adresse isistheend.com. Votre objectif est simple, et pour le moins innovant: enquêter sur des personnes possiblement radicalisées qui ont fait l’objet d’un signalement de la part de la population. Vous entrez dans la peau d’un agent de l’UNIR, une unité spéciale anti-radicalisation créée par le gouvernement en 2022. Il devra alors détecter les signes de la radicalisation chez les profils signalés, puis intervenir afin d’empêcher un attentat ou un départ en Syrie.

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Le serious game : divertir pour mieux informer

Pour mener votre enquête, plusieurs choix d’actions s’offrent à vous: s’entretenir avec des proches de la personne suspectée, se déplacer dans ses lieux de prédilection ou encore parler avec des habitués ou des imams …
Si les enquêtes et les profils proposés restent du domaine de la fiction, le jeu s’accroche toutefois à une thématique de société particulièrement actuelle. Sous une forme ludique, pédagogique et immersive, le jeu interroge sur les motivations, les facteurs et les causes qui peuvent pousser un jeune à se radicaliser, mais surtout sur les signes qui permettent de d’identifier cet embrigadement.
Parallèlement au jeu, une partie du site est consacrée à des témoignages de personnes ayant été en contact avec la radicalisation, récoltés par les créateurs du jeu.

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Prévenir la radicalisation en visant ses cibles premières : les adolescents

A l’origine de ce projet d’ "utilité publique", neufs étudiants en deuxième année de master "Nouvelles pratiques journalistiques" à l’Université Lyon 2 en France. Ceux-ci sont partis d’un constat: "En France, plus de 8000 signalements pour radicalisation islamiste ont été effectués auprès de la plate-forme "Stop Djihadisme" mise en place par le gouvernement en 2014. En juillet 2015, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avait déclaré que "1.850 Français ou résidant habituellement en France" étaient "impliqués dans des filières djihadistes, dont près de 500 sont présents en Syrie ou en Irak"", expliquent les concepteurs du jeu.
Alors que les départs en Syrie et les tentatives d’attentat se multiplient, la menace de l’Etat islamique effraie, et leurs méthodes de recrutement interrogent. "Les jeunes ados sont la première cible de Daech en matière de recrutement", nous dit Amélie James, la rédactrice en chef du projet.
Amélie et son équipe voulaient viser les jeunes. Il fallait donc utiliser leurs canaux de communication: internet et les réseaux sociaux, des lieux privilégiés où prospèrent théories du complot et propagande de l’Etat islamique. Le serious game a fini par s’imposer comme le support le plus adéquat, car il "s’inspire des codes et des logiques du jeu vidéo, tout en intégrant une dimension pédagogique, en plus de la notion de divertissement", explique Amélie. Financé par une campagne de crowdfunding, le jeu a vu le jour au début du mois de décembre, au terme de huit semaines de travail.

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Un jeu, mais surtout une enquête journalistique approfondie

Les futurs journalistes se sont attachés à essayer de comprendre cette transformation extrême chez les jeunes en s’entretenant avec des psychiatres, des enseignants en islam, des aumôniers musulmans, des anciens radicalisés… Mais aussi des familles de victimes : "Contrairement à ce qu’on pourrait penser, elles n’ont pas hésité à nous partager leur expérience. Beaucoup ont d’ailleurs créé leur propre association afin de lutter contre la radicalisation", confie Amélie. Des témoignages précieux, qui ne tracent non pas "une" radicalisation, mais une multitude de profils hétéroclites aux parcours spécifiques. Comme l’avertit un message au commencement du jeu, le processus de radicalisation ne se caractérise pas par un cheminement unique, mais il est propre à chaque individu.

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"C'est très compliqué de savoir pourquoi une personne veut faire le dijhad"

Mourad Benchellali est conférencier et éducateur en insertion. À 19 ans, il s’est fait embrigader dans un camp de Al-Qaida, peu avant les attentats du 11 septembre. Interrogé par le groupe d’étudiants, il affirme bien qu’il n’existe pas de profil unique lorsque l’on parle de radicalisation. "Souvent, on essaye de faire des profils type, on essaye de comprendre de façon globale, de trouver des points communs, un référentiel, de voir des signes avant-coureurs… Mais ça n’est pas aussi simple, c’est très compliqué de savoir pourquoi une personne veut faire le djihad. Je pense qu’il y a autant de motivations et d’explications qu’il y a d’individus". L’homme se souvient de ceux qu’il a croisés en Afghanistan lors de son embrigadement : "J’ai rencontré des jeunes qui disaient au départ y aller pour défendre la charia, puis quand on discute un peu plus avec eux on se rend compte que non seulement ils ne connaissent rien à leur religion mais qu’ils ont surtout envie d’aller rejoindre untel ou de se la raconter sur Facebook en posant avec une kalachnikov…", raconte-t-il.
Serge Hefez, un psychiatre et psychanalyste, parle également de profils disparates. "Tous ceux qui ont une certaine fragilité, une interrogation, une quête d’identité, de sacré, ceux qui ont vécu un certain nombre de ruptures… Il y a des tas de raisons différentes, qui interviennent à des niveaux différents. Tout ça, ça peut conduire à des parcours de radicalisation".
"ISIS The End?" ne prétend pas apporter une réponse unique à un phénomène aussi complexe, mais permet de réfléchir à une problématique de société actuelle qui suscite toujours plus d’incompréhension. Le but premier est d’ailleurs pédagogique : "Nous désirons informer sur les formes et sur l’évolution de ce mécanisme de radicalisation, notamment auprès des jeunes", explique Amélie.
Un outil de prévention original qui suscite de l’intérêt, puisque les étudiants ont rendez-vous prochainement avec le Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la radicalisation (CIPDR), régi par le Ministère de l’Intérieur français, pour y présenter leur jeu.

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