Le nouveau ministre français des Finances, Antoine Armand, a tenté lundi de convaincre ses homologues de l'UE du sérieux budgétaire de Paris lors d'une réunion à Luxembourg, après un gros dérapage en 2024.
Le budget français pour 2025, qui doit être présenté jeudi, "s'inscrira pleinement dans les nouvelles règles budgétaires européennes", a-t-il promis lors d'une réunion des 27 ministres.
Report de l'indexation des retraites, fusion de certains services publics, baisse du nombre de fonctionnaires, ou contribution des plus fortunés à l'effort budgétaire: les mesures déjà évoquées par le gouvernement témoignent des efforts conséquents à mettre en œuvre pour réduire le déficit public.
Convaincre les partenaires européens s'annonce tout aussi difficile, tant la France s'est écartée du seuil de 3% du PIB défini par les règles budgétaires de l'UE et fait désormais figure de mauvais élève.
L'objectif affiché est de ramener le déficit de 6,1% cette année à 5% l'an prochain, avant de passer sous les 3% à l'horizon 2029, deux ans plus tard que ce qui était promis par le précédent gouvernement.
"C'est une trajectoire sérieuse, crédible et ambitieuse pour notre pays afin de respecter totalement les règles budgétaires de l'UE", a affirmé M. Armand, à son arrivée à Luxembourg, pour sa première réunion européenne.
Paris a obtenu un délai jusqu'au 31 octobre pour présenter sa trajectoire pluriannuelle des finances publiques qui était initialement attendue le 20 septembre.
Bruxelles a prévu de publier un avis fin novembre sur les plans des 27 Etats membres.
Le commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni, a salué lundi de premières discussions "prometteuses" avec le nouveau ministre français. "Nous reconnaissons tous les difficultés" auxquelles la France fait face, a-t-il souligné.
- "On ne plaisante pas avec les marchés financiers" -
Mais le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, a lui averti qu'il ne fallait "pas plaisanter" avec "la crédibilité des finances publiques vis-à-vis des marchés financiers". Il n'a toutefois pas souhaité commenter directement le sérieux du plan français, dans l'attente des explications du nouveau ministre.
"Nous devons réduire de manière crédible notre déficit et notre endettement afin de pouvoir nous financer de manière stable et efficace", a-t-il simplement souligné, dans une référence implicite aux hausses de taux d'intérêt sur les marchés qui augmentent le coût du financement des pays très endettés.
Le coût de la dette française a en effet nettement augmenté ces derniers mois sur fond d'instabilité politique et de nouvelles révélations sur l'ampleur du déficit légué par l'ancien ministre Bruno Le Maire.
Respecter les règles européennes "est une question de crédibilité internationale et de souveraineté", a d'ailleurs reconnu Antoine Armand.
La dette, à 3.228,4 milliards d'euros fin juin, soit 112% du PIB, a gonflé d'un millier de milliards depuis 2017, quand Emmanuel Macron est devenu président. Elle frôlera 115% l'an prochain, presque le double du maximum fixé à 60% par Bruxelles, avant de décroître progressivement.
Le "freinage" des dépenses publiques est "indispensable, sinon on va droit vers une crise financière", avait averti vendredi le Premier ministre français, Michel Barnier.
La France fait l'objet d'une procédure de l'UE pour déficit excessif, avec six autres pays (Italie, Belgique, Hongrie, Pologne, Slovaquie et Malte). Ces pays ont dépassé l'an dernier la barre de 3% fixée par le Pacte de stabilité qui limite aussi la dette à 60% du PIB. Ils doivent prendre des mesures correctrices, sous peine de sanctions financières.
Cette consolidation budgétaire risque pourtant de freiner une croissance économique européenne déjà très faible, alors que l'Allemagne, première économie de l'UE, est en récession.
M. Armand a affirmé qu'il comptait s'impliquer "personnellement" sur le sujet du "renforcement de la compétitivité" de l'Union européenne. "L'UE prend du retard par rapport à la Chine et aux Etats-Unis dans des domaines stratégiques", a-t-il averti en évoquant les rapports de deux anciens présidents du Conseil italiens Mario Draghi et Enrico Letta, publiés cette année.
Il a plaidé pour "l'approfondissement du marché unique européen" et en particulier "l'Union des marchés de capitaux". Elle doit aider à mobiliser l'argent privé pour financer les transitions numérique et climatique, un "chantier fondamental au vu du mur de financement qui se dresse devant nous", a-t-il souligné.
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