"Ton fils est mort en martyr avec ses frères le 13 novembre." Ce SMS, envoyé de Syrie par la femme de Foued Mohamed-Aggad à la mère de ce dernier, a permis de remonter la piste du troisième kamikaze du Bataclan, selon l'avocate de la famille. "La mère de Foued Mohamed-Aggad a reçu ce message fin novembre. Elle m'a immédiatement alertée et nous avons pris contact avec la justice", a déclaré mercredi Me Françoise Cotta à l'AFP.
Le dernier kamikaze du Bataclan était lui aussi allé se battre dans les rangs jihadistes: Foued Mohamed-Aggad, un Strasbourgeois de 23 ans, faisait partie d'un groupe d'amis du quartier sensible de la Meinau parti en Syrie et bien connu de la justice française.
C'est sa famille qui a mis la justice sur sa piste, d'après une source proche du dossier: après une comparaison de son ADN, il a été formellement identifié en fin de semaine dernière.
Son père: "C'était une autre personne avec qui je parlais, quelqu'un à qui on avait lavé le cerveau"
Le journal Le Parisien a recueilli une réaction du père de Foued, sous le choc ce mercredi matin. Saïd Mohamed-Abbag savait que son fils était radicalisé, et prêt à tout. "Il nous avait menti, faisant croire qu'il partait en vacances, pour se rendre en fait en Syrie il y a deux ans, se souvient Saïd. Depuis 2013, je n'en dormais plus", a-t-il déclaré au quotidien français. Ce père n'avait plus de nouvelles depuis quatre ou cinq mois, date à laquelle il avait communiqué avec lui via Skype. Son fils se montrait peu causant. "Comme d'habitude, il ne disait rien de son quotidien, d'où il était ou de ce qu'il faisait. Il répondait juste ça va, ça va, parlait souvent du djihad...", se souvient Saïd Mohamed-Abbag. "Que voulez-vous faire ? Ce n'était plus lui, c'était une autre personne avec qui je parlais. Quelqu'un à qui on avait lavé le cerveau. ça ne servait plus à rien de communiquer...", avait-il constaté.
Tous les membres du commando du Bataclan désormais connus
Le commando de la salle de spectacle parisienne, où 90 personnes ont été tuées le 13 novembre, est donc le premier dont tous les membres ont été identifiés. Comme Foued Mohamed-Aggad, les deux autres assaillants, Omar Ismaïl Mostefaï, 29 ans, né dans l'Essonne, et Samy Amimour, 28 ans, originaire de Seine-Saint-Denis, s'étaient également rendus en Syrie. C'est également le cas de la quasi-totalité des autres auteurs des attaques qui ont fait en tout 130 morts à Paris.
Parti en Syrie fin 2013
Foued Mohamed-Aggad était parti en Syrie fin 2013 avec son frère et un groupe d'amis.
Deux d'entre eux, les frères Mourad et Yassine Boudjellal, sont morts sur place dans les rangs du groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui a revendiqué les attaques de Paris. Sept autres sont rentrés en France de manière échelonnée à partir de février 2014, avant d'être interpellés en mai de la même année à Strasbourg. Seul Foued Mohamed-Aggad était resté sur place.
En octobre, le parquet a demandé le renvoi en correctionnelle des sept Strasbourgeois interpellés, âgés de 23 à 26 ans, pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Leur périple avait commencé en décembre 2013, notamment à bord d'un vol entre Francfort et Antalya, en Turquie, avant de rejoindre la Syrie. Selon leurs déclarations aux enquêteurs, le voyage avait un but humanitaire mais ils sont tombés de haut face aux horreurs.
Un argument qui n'a jamais convaincu puisqu'ils étaient partis par petits groupes dans un souci de discrétion, et que des photos de certains posant avec armes et treillis et des textes menaçants envers la France avaient été retrouvés dans leurs ordinateurs.
Surtout, ils connaissaient Mourad Farès, alias Abou Hassan ou Mourad al-Faransi (Mourad le Français), que certains avaient rencontré à trois reprises avant de partir, à Strasbourg, Paris et Lyon.
Mourad Farès était l'un des principaux rabatteurs via les réseaux sociaux de jihadistes français. Il a été arrêté par les Turcs après avoir fui la Syrie et remis aux autorités françaises en septembre 2014.
Sa femme l'avait rejoint
En garde à vue, le frère de Foued Mohamed-Aggad, Karim, avait confirmé, selon une source proche du dossier, s'être bien rendu en Syrie, "avec un groupe de dix", par l'intermédiaire de Mourad Farès et qu'ils s'étaient "retrouvés à l'EIIL" (État islamique en Irak et au Levant, devenu État islamique).
Il avait expliqué avoir été contraint de rester, victime de "menaces de mort et d'excommunication", "emprisonné deux jours". Lui qui était le dernier "à réussir à partir" s'était "inquiété pour son frère Foued resté sur place suite à la venue de sa femme" et qui devait selon lui "rendre des comptes sur le départ de tous les membres du groupe".
Foued Mohamed-Aggad est donc le sixième jihadiste mort formellement identifié des attentats les plus meurtriers jamais commis en France, dont la plupart des membres sont soupçonnés d'avoir séjourné en Syrie.
Outre le trio du Bataclan, Brahim Abdeslam, 31 ans, Abdelhamid Abaaoud, 28 ans, et un troisième assaillant encore non identifié mais dont les enquêteurs pensent qu'il s'agit du kamikaze mort cinq jours après les attaques dans un appartement de Saint-Denis, formaient "le commando des terrasses" qui a visé des bars et restaurants parisiens.
Des trois kamikazes du Stade de France, on ne connaît que Bilal Hadfi, 20 ans. Les deux autres hommes étaient munis de passeports syriens manifestement faux, et s'étaient fondus parmi la masse de réfugiés vers l'Europe.
Enfin, Salah Abdeslam, frère de Brahim, qui semble avoir convoyé les kamikazes du Stade de France et devait peut-être se faire lui-même sauter, est toujours en fuite.
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