La France adresse lundi un ultime adieu à son ancien président Jacques Chirac, qui doit être inhumé dans la plus stricte intimité après avoir reçu un hommage solennel à Saint-Sulpice en présence de chefs d'Etats étrangers et de la quasi-totalité de la classe politique nationale.
Arrivé peu avant midi encadré par une imposante escorte motocycliste sous un soleil d'automne, enveloppé du drapeau tricolore et porté par ses anciens officiers de sécurité à l'Elysée, le cercueil de Jacques Chirac a remonté la nef de Saint-Sulpice au son du requiem de Gabriel Fauré, sous les yeux de près de 2.000 invités venus du monde entier. A l'entrée, la foule massée sur le parvis a applaudi l'entrée du corps dans l'église.
Tous sont venus rendre hommage à l'ancien chef de l'Etat qui s'est éteint "très paisiblement" jeudi à l'âge de 86 ans, à quelques rues de là.
Bernadette Chirac, affaiblie et qui n'est pas apparue publiquement depuis le décès de son époux à leur domicile parisien, rue de Tournon, est absente "en raison de sa santé" de ce service célébré par Mgr Aupetit, archevêque de Paris. Peu avant, pour la première fois depuis le terrible incendie qui l'a ravagée, la cathédrale Notre-Dame avait fait retentir son bourdon.
Poutine et Clinton dans l'assemblée
L'assistance dans ce deuxième plus grand édifice religieux de la capitale est à la mesure de l'afflux de messages parvenus du monde entier depuis jeudi: 80 personnalités étrangères, chefs d'Etat et de gouvernement, anciens dirigeants et membres de famille royales, ont annoncé leur venue pour honorer ce grand fauve de la politique française, maire de Paris, plusieurs fois ministre et Premier ministre, puis deux fois élu président de la République (1995 à 2007). Omniprésent pendant plus de quatre décennies, mais très affaibli ces dernières années.
Dans les premiers rangs se côtoient le président russe Vladimir Poutine, qui en juin avait qualifié M. Chirac de dirigeant l'ayant "le plus impressionné" dans sa carrière, les présidents italien Sergio Mattarella et congolais Denis Sassou Nguesso ainsi que les Premiers ministres libanais Saad Hariri et hongrois Viktor Orban. L'ex-président des Etats-Unis, Bill Clinton (1993-2001), le roi Abdallah de Jordanie et de l'émir du Qatar, Tamim Bin Hamad Al-Thani, ont également fait le déplacement à Paris, tandis que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a finalement renoncé "pour raisons de santé".
Ils ont retrouvé les anciens présidents français François Hollande, Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d'Estaing, ainsi qu'une grande partie de la classe politique nationale. La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a renoncé à s'y rendre, après les réserves de la famille Chirac sur sa présence, comme le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui a annoncé réserver son seul hommage à l'Assemblée nationale.
Dans la matinée, une cérémonie privée, célébré par Mgr Jean-Yves Riocreux, évêque de Basse-Terre (Guadeloupe) a eu lieu aux Invalides, en présence de son épouse Bernadette et quelque 200 personnes, famille et personnel médical ayant assisté Jacques Chirac.
7.000 personnes aux Invalides
Martin Chirac-Rey, 23 ans, petit-fils unique de l'ancien président, a pris la parole pour rendre hommage à son grand-père, avant l'arrivée d'Emmanuel Macron, visage grave et fermé, venu rendre les honneurs funèbres militaires dans la cour pavée.
Au même endroit dimanche, une foule impressionnante - 7.000 personnes selon l'Elysée - a défilé, malgré la pluie, jusque tard devant le cercueil, placé à l'entrée de la cathédrale Saint-Louis, recouvert de bleu, blanc, rouge. Lundi, avant même que le soleil ne se lève, le Premier ministre Edouard Philippe s'est rendu à son tour aux Invalides, en toute discrétion.
"C'est un moment très fort", "bouleversant", et "de là où il est, je pense qu'il doit être extrêmement ému et heureux", a déclaré dimanche Claude Chirac, restée plus de deux heures à la nuit tombée aux Invalides pour "dire merci" à ceux qui s'étaient déplacées, échanger et serrer des mains, comme son père autrefois.
"Ma mère est très très réconfortée en ayant vu ces images cet après-midi" à la télévision, a ajouté la fille cadette de Jacques Chirac au sujet de Bernadette, elle-même très "fragilisée".
"On ne reçoit que si on donne. Aujourd'hui, sa mémoire, sa famille reçoit tout ce que Jacques Chirac a donné", a commenté Jean-Pierre Raffarin qui fut son Premier ministre.
Jacques Chirac sera inhumé dans l'après-midi dans un cadre strictement privé au cimetière du Montparnasse. Selon le souhait de son épouse Bernadette, il reposera dans le caveau de leur fille aînée Laurence, décédée en 2016 et dont le destin tragique a été le drame de sa vie.
Une journée de deuil national a été décrétée lundi, pour la huitième fois seulement depuis le début de la Ve République en 1958, comme après les décès de Charles de Gaulle en 1970, Georges Pompidou en 1974 et François Mitterrand en 1996. Les drapeaux seront en berne sur les édifices publics et les Français appelés à observer des minutes de silence à 15h00, notamment dans les salles de classe.
Refusant de son vivant tout compromis avec l'extrême droite, célébré pour son non à la guerre en Irak, Jacques Chirac est désormais considéré par les Français comme le meilleur président de la Ve République, à égalité avec Charles de Gaulle, selon un sondage Ifop pour le Journal du dimanche.
Un hommage particulier sera également rendu à l'ex-président le week-end des 5 et 6 octobre en Corrèze, sa terre d'élection.
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