Vers la fin des fessées ou gifles pour les enfants? L'Assemblée nationale a adopté dans la nuit de jeudi à vendredi, une proposition de loi à la portée largement symbolique visant à interdire les "violences éducatives ordinaires", sur laquelle les opposants se sont faits discrets.
Le texte du MoDem, co-signé par des élus d'autres groupes, a été adopté en première lecture par 51 voix contre 1 et trois abstentions. Il a relancé une controverse toujours vive sur le sujet sensible des châtiments corporels en France, où le proverbe "qui aime bien châtie bien" a toujours ses partisans. Selon la Fondation pour l'Enfance, 85% des parents français ont recours à des violences dites éducatives. La proposition MoDem réclame au gouvernement un "état des lieux" sur le sujet avant septembre 2019.
"Affirmer un choix de société"
La ministre de la Santé Agnès Buzyn a apporté un franc soutien au texte, arguant notamment qu'"on n'éduque pas par la peur" et que cette violence "prétendument éducative" a des "conséquences désastreuses sur le développement de l'enfant". Le texte n'est pas "exclusivement symbolique", car il permettra "de rompre avec l'appréciation parfois souple de la jurisprudence" d'un "droit de correction", a-t-elle affirmé.
La proposition ne prévoit pas de nouvelles sanctions pénales car elles existent déjà, et a une "visée pédagogique", de l'aveu même de la rapporteure centriste Maud Petit. Il s'agit "d'affirmer un choix de société", a renchéri Alice Thourot (LREM).
La proposition entend d'inscrire dans le Code civil, à l'article lu lors des mariages, selon une formule revue en séance afin qu'elle soit "plus concise" que "l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques". La version initiale citait "la violence physique, verbale ou psychologique, les châtiments corporels ou l'humiliation".
L'interdiction formelle, si elle est actée au terme du parcours législatif, permettrait à la France d'être en conformité avec les traités internationaux, alors que le pays a été épinglé à plusieurs reprises par les instances internationales.
La France deviendrait ainsi le 55e État à interdire totalement les châtiments corporels, selon l'"Initiative mondiale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels sur les enfants", une ONG basée à Londres. La Suède avait légiféré sur le sujet dès 1979.
"Dépouiller les parents de leurs prérogatives"
La mesure avait déjà été inscrite dans la loi "Égalité et citoyenneté", mais avait été censurée en janvier 2017 au motif qu'elle était sans rapport avec la loi ("cavalier législatif"). Le texte MoDem a eu l'appui de différentes organisations (Fondation pour l'Enfance, Association STOP VEO...) ou du Défenseur des droits, Jacques Toubon qui a défendu "un signal politique fort".
Mais, lors des débats en commission, des élus de droite et d'extrême droite étaient montés au créneau contre une "ingérence" dans la vie des familles et l'"ineptie", voire le "ridicule" de la proposition.
Dans l'hémicycle, les débats ont été plus policés. Seul représentant de son groupe, Raphaël Schellenberger (LR), s'est abstenu, se demandant ce que "vont penser les Français" du temps passé sur ce texte. Il part "d'une bonne intention" mais n'est "que symbole et communication", avec un dispositif qui "énonce sans encadrer", a-t-il jugé.
A l'offensive, Emmanuelle Ménard (extrême-droite), seule à voter contre, a pointé un risque de "dépouiller les parents de leurs prérogatives" et un texte qui "revient à prendre les Français pour des imbéciles".
Un texte qui tend à une société "plus humaniste"
Alors que le chef de file des UDI-Agir Jean-Christophe Lagarde avait raillé en amont un texte "vide d'effet" mais qui sera "très médiatiquement ressenti", son collègue Thierry Benoit d'abord circonspect, s'est finalement rallié à la proposition, le groupe Libertés et Territoires étant, lui, partagé.
Les trois groupes de gauche ont apporté leur appui à un texte, qui tend à une société "plus humaniste" pour Elsa Faucillon (PCF) et est d'"utilité publique" selon Bastien Lachaud (LFI).
Le relatif consensus autour de la proposition a failli achopper en raison du dépôt in extremis par le gouvernement d'un amendement pour l'habiliter à regrouper par ordonnance le Groupement d'intérêt public "Enfance en danger" et l'Agence française de l'adoption. Face au front du refus de ce que M. Schellenberger a qualifié de "violence administrative ordinaire", la ministre a retiré son amendement.
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