Coup de tonnerre pour le service public: l'annonce vendredi d'une coupe claire de Bercy dans le budget qui permet à La Poste de financer sa présence sur l'ensemble du territoire a provoqué l'indignation des maires ruraux, réunis en congrès en Côte-d'Or.
Selon le PDG du groupe La Poste, Philippe Wahl, la décision est déjà prise: sur 174 millions d'euros par an (pouvant aller jusqu'à 177), le fonds qui assure la présence des services postaux en milieu rural ou les quartiers populaires des villes doit fondre de 50 millions d'euros et ce, dès cette année.
La nouvelle, annoncée en marge du congrès des maires ruraux à Saint-Julien (Côte-d'Or), a fait l'effet d'une bombe parmi les élus, souvent interpellés par leurs administrés sur la baisse du niveau de services publics dans les campagnes ou les zones périurbaines.
"Ca veut dire qu'on va effacer d'un coup du paysage 10.000 points relais commerçants et agences postales communales parce qu'on ne pourra plus les payer, c'est un énorme cataclysme", s'indigne Xavier Cadoret, maire de Saint-Gérand-le Puy dans l'Allier.
L'élu, également vice-président de l’Observatoire national de la présence postale (ONPP), a interpellé vendredi la nouvelle ministre de la Ruralité Françoise Gatel, venue rencontrer les maires ruraux.
Les bureaux de poste, financés par La Poste, ne sont pas concernés, à l'inverse des agences postales communales - créées justement pour compenser la disparition d'un bureau de poste - et des points relais commerçants.
"La présence postale est un moteur essentiel de la vie de nos villages. La notion de service va encore plus s'éloigner de nos territoires ruraux", regrette Gilles Noël, maire de Varzy (Nièvre).
La loi postale de 2010 née de l'ouverture à la concurrence du secteur oblige La Poste à maintenir au moins 17.000 "points de contacts" (bureaux de poste, agences communales et intercommunales, relais postaux commerçants, France Services, etc.) en vertu de sa mission de service public d'aménagement du territoire.
- "On touche le fond" -
L'objectif étant de permettre à au moins 90% des habitants d'accéder aux services postaux essentiels (courriers, recommandés, petits retraits ou dépôts d'argent) à moins de cinq kilomètres et vingt minutes en voiture de leur domicile.
Cette mission de service public, forcément déficitaire, est évaluée à 348 millions d'euros et compensée par un fonds de péréquation de l'Etat dans le cadre d'un contrat de "présence postale territoriale" signé entre l'Etat, La Poste et l'Association des maires de France (AMF).
"En pratique, ces 174 millions ne sont jamais versés et il nous manquait déjà entre 15 et 30 millions d'euros, mais là on touche le fond", a réagi auprès de l'AFP Eric Verlhac, directeur général de l'AMF.
Outre le fonctionnement des services postaux, le fonds de péréquation finance les personnels des agences postales communales, qui perçoivent 1.200 euros par mois, ainsi que l'ensemble des travaux nécessaires, hors bureaux de poste.
"Plus largement, c'est l'égalité territoriale et le rôle social des agences postales qui est menacé. C'est particulièrement vrai en Outre-mer, mais aussi pour les retraités en milieu rural ou dans les quartiers classés +politique de la ville+", observe Eric Verlhac, rappelant que pendant la crise Covid, la fermeture brutale des bureaux de poste avait suscité un tollé général.
Si l'activité courrier de La Poste ne représentait plus que 16% de ses recettes en 2023, obligeant le groupe à réduire la voilure, sa présence reste néanmoins cruciale pour accompagner les habitants dans leurs démarches administratives, là où les services publics ont déjà été réduits à peau de chagrin.
C'est notamment vrai pour l'accompagnement numérique. "Dans mon département de l'Allier, cela représente 75.000 euros par an", souligne Xavier Cadoret.
"Les habitants ont besoin d'une présence humaine. Dans mon village de 332 habitants, j'ai encore une factrice guichetière, c'est vraiment un symbole auquel les ruraux sont très attachés", témoigne Jean-Paul Carteret, maire de Lavoncourt (Haute-Saône), qui plaide aussi pour le "maintien des distributeurs depuis que les banques privées se sont éloignées de nous".
Si la coupe se confirme pour 2024, les élus redoutent une amputation à l'identique en 2025. Ce qui, de l'avis même du PDG de La Poste, pourrait conduire à une interruption de service.
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