Manuel Valls s'est refusé vendredi à lâcher l'arme d'un possible recours au "49-3" pour faire passer le contesté projet de loi sur le travail, comme le réclamaient des députés socialistes, avant une semaine décisive à l'Assemblée et dans la rue.
"Il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel", a déclaré à Public Sénat le Premier ministre, au détour d'une longue interview sur la chaîne parlementaire.
"Nous verrons la semaine prochaine, mais ce texte doit passer", a affirmé le chef du gouvernement, qui a affirmé son attachement au "cœur" du projet, à savoir le renforcement des accords d'entreprise au détriment de la loi ou des accords de branche.
L'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote à condition d'échapper à une motion de censure, revient comme un serpent de mer dans ce dossier depuis plusieurs mois.
Déjà en février, aux prémices du texte, qui a jeté des centaines de milliers de personnes dans la rue, une allusion à ce qui est communément considéré comme "l'arme nucléaire" parlementaire avait jeté le trouble dans une interview de la ministre du Travail Myriam El Khomri.
"Avec le Premier ministre, nous voulons convaincre les parlementaires de l’ambition de ce projet de loi. Mais nous prendrons nos responsabilités", disait-elle dans cette interview, dans ce qui s'est révélé être un amendement à l'entretien ajouté par Matignon.
L'exécutif a depuis reconnu cette correction comme une faute et assuré de sa priorité au travail de conviction. Manuel Valls a d'ailleurs redit sur Public Sénat sa volonté de "convaincre" sa majorité, encore bien incertaine.
Lundi, le Premier ministre avait tenté de faire baisser la pression en assurant que le recours au 49-3 n'était "pas un choix que nous privilégions". Même tonalité pour Mme El Khomri, qui s'était refusée à "faire planer la menace" de l'usage de l'article.
Mais ces déclarations apaisantes avaient été jugées insuffisantes par les opposants du texte au sein du groupe PS. Le député PS Jean-Marc Germain, proche de Martine Aubry, avait appelé le Premier ministre à s'engager "fermement" à poser l'arme de l'adoption sans vote, dénonçant un article qui est un "archaïsme de la Ve République".
"Si le Premier ministre s'engageait à ne pas l'utiliser, fermement, en disant quoi qu'il se passe, je veux trouver 289 députés + 1 (une majorité, ndlr) sur ce texte-là, ça rassurerait aussi les Français qui manifestent, pétitionnent ou s'expriment sur les réseaux sociaux", selon M. Germain.
- Presque autant d'amendements que pour le mariage homosexuel -
Les oppositions vont être difficiles à combler: selon l'estimation lundi du rapporteur de la loi, Christophe Sirugue (PS), il manquait "près de 40 voix pour obtenir une majorité et voter la loi".
Parmi celles-ci, on trouve Patrick Mennucci. Le député socialiste des Bouches-du-Rhône, qui ne fait pas partie des "frondeurs" régulièrement opposés aux textes de l'exécutif, indique dans un communiqué vendredi qu'il ne votera pas le texte "en l'état".
Les débats, entamés mardi, sont programmés jusqu'à jeudi avec quelque 5.000 amendements (près de la moitié émanant du Front de gauche), quasiment autant que pour la bataille sur le mariage pour tous.
L'intersyndicale de sept organisations menée par la CGT, Force Ouvrière et l'Unef, a décidé vendredi de transformer ce jeudi 12 mai en une nouvelle journée nationale de grèves et de manifestations, dans ce qui était initialement "une journée d'initiatives et d'interpellation des parlementaires".
Il s'agira de la cinquième journée nationale et unitaire d'actions contre le projet de loi à l'appel de l'intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl, UNL), après les 9 et 31 mars, et les 9 et 28 avril.
Le mouvement, qui avait atteint son pic le 31 mars, (390.000 manifestants selon la police, 1,2 million selon les organisateurs) se poursuit néanmoins depuis plusieurs semaines.
Le vote global à l'Assemblée, s'il n'y a pas de "49-3" entre temps, est quant à lui prévu le 17 mai.
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