Dominique Pelicot, champion de la manipulation, comme l'affirme son frère ? Ou au contraire jouait-il cartes sur table en invitant des hommes à violer sa femme, droguée à son insu ? A Avignon, la question continue à agiter le procès des viols de Mazan.
Le septuagénaire est jugé depuis le 2 septembre pour avoir drogué son épouse Gisèle Pelicot, dont il est désormais divorcé, puis l'avoir violée et fait violer pendant 10 ans par des dizaines d'hommes, dont une cinquantaine comparaissent à ses côtés devant la cour criminelle de Vaucluse.
Et deux thèses s'affrontent.
La première, défendue par une trentaine d'accusés, décrit un homme manipulateur qui leur aurait fait croire à un "scénario libertin" dans lequel Gisèle Pelicot, consentante, ferait semblant de dormir puis se réveillerait pendant les actes.
C'est aussi l'opinion exprimée lundi par François Amic, expert psychiatre, venu rendre son rapport sur les cinq accusés dont les dossiers sont étudiés cette semaine à Avignon.
Et mardi matin, Joël Pelicot, médecin à la retraite et frère aîné de Dominique, a apporté de l'eau à leur moulin en affirmant que son cadet avait développé, dès l'enfance, entouré de "parents attentionnés, aimants", "une faculté à adapter son discours pour mieux manipuler et à mentir au fur et à mesure".
Sur le banc des parties civiles, Gisèle Pelicot, habituellement impassible, trépigne. Elle souhaite "démentir un certains nombre de faits", fait savoir un de ses avocats, Me Antoine Camus.
"De tous les témoins, vous êtes le seul à brosser de Dominique Pelicot un portrait très peu flatteur. Tous racontent n'avoir vu que cette fameuse face A, celle d'un homme extrêmement fréquentable, alors que pour vous, il a toujours été manipulateur, jaloux, possessif", interroge Me Camus.
"Ca ne m'a pas empêché de l'aimer, c'était le petit frère, on lui passait ses travers", répond Joël Pelicot, des sanglots dans la voix, selon qui "les parties civiles se sont laissées aussi un petit peu avoir".
"C'est mensonge de dire que tout se passait bien. Tous les jeudis, on avait des corvées et on se faisait tabasser si on les manquait", lui répond alors Dominique, revenant sur son enfance.
- Atténuer sa responsabilité -
La seconde thèse, clamée avec force par Dominique Pelicot, est donc qu'il n'a manipulé personne. "Tous savaient" qu'il droguait sa femme à son insu et tous avaient conscience qu'ils commettaient des viols, ne cesse-t-il de répéter.
Pour Gisèle Pelicot, devenue une icône de la lutte contre la soumission chimique, qui, étonnamment, rejoint son ex-mari sur ce point, les accusés qui affirment avoir été manipulés ne cherchent en fait qu'à atténuer leur responsabilité.
Egalement entendu mardi, Pierre P., l'époux de Caroline, la fille du couple, s'est également dressé contre la thèse de la manipulation, regrettant "ne pas avoir vu" que Dominique Pelicot n'était pas le "formidable" beau-père qu'il semblait être.
En fin d'audience, un témoin qui avait refusé la proposition de Dominique Pelicot de se rendre au domicile des Pelicot, à Mazan, petite ville du Vaucluse au pied du mont Ventoux, est venu lui aussi affirmer que l'ex-électricien ne cachait pas son jeu sur le site libertin controversé coco.fr., interdit depuis.
"Il me demande de faire des travaux de jardinage et en échange, il m'offre sa femme. Je lui propose un samedi matin, il me dit non, car il lui donne un cachet pour l'endormir, et me dit qu'il drogue sa femme et l'offre à des hommes très souvent. Je lui réponds que c'est du viol et que je ne suis pas d'accord", raconte à la barre Jérôme B., un chauffeur routier de 42 ans contre qui aucune charge n'a été retenue.
Entendu dans la foulée, Cyril F.. explique avoir lui aussi brièvement échangé en ligne avec Dominique Pelicot: "Jusqu'à ce qu'il me dise que sa femme prendrait des cachets et qu'elle dormirait sûrement à mon arrivée".
"J'ai pensé que c'était un jeune qui racontait n'importe quoi, je ne pensais pas du tout que quelqu'un pouvait droguer sa femme et j'ai coupé court", raconte-t-il, sans pouvoir préciser si Dominique Pelicot lui avait dit qu'il administrait les somnifères en cachette ou si Gisèle les prenait elle-même.
"En tout cas, il ne vous a pas dit +Viens, on va participer à un viol+?", lui demande Me Nadia El Bouroumi, qui défend un autre accusé.
"Ah ça non", répond le fonctionnaire de 48 ans.
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