En appelant à voter pour la droite dans trois régions au second tour des régionales, Manuel Valls se pose en champion anti-FN, avec comme objectif une recomposition politique pour l'après 2017.
Malgré les "choses qui nous différencient" de la droite, il n'y a "pas une seule hésitation à avoir", a justifié le Premier ministre mercredi matin sur BFM TV/RMC, citant à nouveau nommément les candidats Les Républicains Xavier Bertrand, Christian Estrosi et Philippe Richert face à Marine Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot.
Le message contraste avec l'attitude du PS au second tour de la présidentielle de 2002: Lionel Jospin, l'ex-patron de Manuel Valls à Matignon, n'avait jamais appelé à voter pour Jacques Chirac, laissant le premier secrétaire d'alors, François Hollande, le faire du bout des lèvres.
Le retrait pour faire barrage au FN, décidé dimanche soir par MM. Hollande et Valls, a été globalement soutenu au PS, y compris par des figures comme la maire de Lille Martine Aubry, même si quelques députés ont fait part de leur désaccord.
A l'aile gauche de la gauche, Eric Coquerel (Parti de gauche) a affiché son soutien au socialiste Jean-Pierre Masseret, qui s'est maintenu dans le Grand Est sans suivre les consignes de son parti. Jean-Luc Mélenchon, qui a refusé de donner des consignes de vote là où la gauche s'était retirée, a accusé le Premier ministre "d'organiser la débandade".
"Ils sont en train d'arriver à provoquer ce qu'ils espéraient, c'est-à-dire un mouvement du PS et des centristes en faveur d'un improbable front pour faire barrage au FN", selon le fondateur du Front de Gauche.
Une accusation qu'on retrouve au FN: pour son numéro 2 Florian Philippot, Manuel Valls se serait "auto-proclamé chef de l’+UMPS+".
Dès la fin septembre, à la vue des premiers sondages, le Premier ministre avait tenté de préparer les esprits, en déclarant que "tout sera(it) fait pour empêcher le Front national de gagner".
"Tout", y compris des retraits mais aussi d'éventuelles fusions avec la droite, avait-il précisé devant des journalistes début novembre, suscitant un tollé dans son camp et un refus de Les Républicains.
- "Un second tour Hollande-Le Pen? 52-48" -
Dimanche soir à Matignon, le Premier ministre est resté silencieux médiatiquement pour laisser Jean-Christophe Cambadélis annoncer la décision du PS. Mais il s'est activé, entre multiples coups de téléphone à François Hollande et aux candidats. Ou tentant de convaincre -par SMS lundi- M. Masseret de se retirer.
La poussée du FN, qui s'est encore rapproché dimanche de la barre des 30%, fait cheminer l'idée à gauche, chez des tenants de l'aile centriste comme Manuel Valls ou Jean-Marie Le Guen, d'un rapprochement avec le centre-droit et l'aile modérée des Républicains.
Pour un proche du Premier ministre, "soit on considère que la tripolarisation est quelque chose de temporaire ou qui est amené à disparaître et on passe à autre chose. Soit on considère que c'est amené à durer et à partir du moment où la présidentielle est dans moins de 18 mois, qu'on ne peut pas ne pas penser à l'étape d'après".
Au PS, on se montre persuadé que la stratégie jugée droitière de Nicolas Sarkozy, et son "ni PS ni FN", se retourneront contre son camp.
"Le +ni ni+ c'est très embêtant, parce qu'on a une droite qui tente de faire mieux que l'extrême droite mais sera toujours perdante, puisque sans faire de mauvais jeu de mots l'original sera toujours préféré à la copie", juge le même proche de Valls.
Faire renoncer la droite au "ni-ni" s'avère aussi indispensable dans le cas où François Hollande serait opposé à Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, mais aussi pour les législatives qui suivront.
"S'il y a un second tour Hollande-Le Pen, vous pensez que ça ferait combien? 60-40? Non. Ca ferait 52-48. Parce que les digues ont sauté", s'inquiétait récemment un ministre.
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