Le ministre français de l'Intérieur avait déploré que la radicalisation de Mickaël Harpon, l'assaillant de la préfecture de police de Paris, n'ait pas donné lieu à des alertes "au bon niveau, au bon moment".
Quel était le degré de radicalisation de Mickaël Harpon, l'auteur de la tuerie à la préfecture de police de Paris ? Les premiers éléments de l'enquête et un rapport interne de la préfecture de police dessinent le portrait d'un homme bien intégré dont le comportement, malgré quelques signaux, n'avait pas inquiété sa hiérarchie.
Sa conversion à l'islam
Né à Fort-de-France (Martinique), Mickaël Harpon s'est converti à l'islam il y a une dizaine d'années, a indiqué samedi le procureur antiterroriste Jean-François Ricard. Selon un rapport du service de la préfecture de Paris où travaillait l'informaticien de 45 ans, il respectait le ramadan et avait "sollicité, une seule fois en 2018, une autorisation d'absence pour se rendre à la mosquée en période de ramadan". Selon un chef de section, cité par le document, "il ne priait pas au bureau".
"C'est bien fait", avait-il déclaré lors de l'attentat de Charlie Hebdo
En 2015, Mickaël Harpon a, selon le rapport, "une vive querelle" avec un collègue au sujet de l'attaque meurtrière contre le journal satirique Charlie Hebdo en janvier. "C'est bien fait", aurait-il déclaré. L'incident est rapporté verbalement en juillet 2015 à un fonctionnaire de la Sous-direction de la sécurité intérieure (SDSI) chargé des signalements de radicalisation, mais n'est pas formalisé.
En l'absence d'autres éléments inquiétants, les collègues de Mickaël Harpon et les membres de la SDSI mis au courant, s'accordent à dire qu'il n'y avait "aucun souci" avec lui. A l'époque, son habilitation secret défense avait déjà été renouvelée depuis deux ans et était valable jusqu'en avril 2020. Les témoignages les plus récents assurent qu'il "était totalement inséré" dans son équipe, conclut le rapport.
Sa femme, pas considérée comme une complice
Plusieurs témoignages affirment que Mickaël Harpon ne serrait plus la main des femmes ni ne les embrassait, probablement depuis son mariage en 2014. Toutefois, plusieurs supérieurs soulignent qu'il ne manifestait "aucune animosité à leur endroit".
Sa femme, musulmane pratiquante, ne porte pas le voile. "Elle a été placée en garde à vue puis libérée sans charge retenue contre elle, c'est l'épouse de cette homme, mais en rien une complice", a déclaré à l'AFP son avocat Me Gustave Charvet.
Des fréquentations "salafistes"
Une voisine du couple a décrit l'assaillant comme "quelqu'un de très calme" qui "allait à la mosquée mais avait une pratique (religieuse) normale".
La mosquée de la Fauconnière, à Gonesse, qu'il fréquentait n'était "pas considérée comme salafiste", mais un imam est passé "brièvement" dans cette communauté "avant d'être rejeté", selon une source proche du dossier.
Selon le procureur antiterroriste, les investigations ont toutefois "permis d'établir des contacts entre l'auteur des faits et plusieurs individus susceptibles d'appartenir à la mouvance islamiste salafiste".
Sur son compte Facebook "Miko Noparh", créé en 2009, sur le peu de publications partagées, beaucoup concernent l'islam et la défense de la cause palestinienne, syrienne ou celle de la communauté musulmane des Rohingyas en Birmanie.
Sur l'une des vidéos, partagée le 6 juillet 2017, on voit un homme dire en anglais "maintenant, la chose la plus importante est de mourir en tant que musulman".
Des problèmes psychologiques ?
En parallèle des signes de radicalisation, les enquêteurs s'interrogent sur d'autres aspects de la personnalité du tueur: ce fonctionnaire, qui souffrait de troubles auditifs "lourds", avait fait part en février de certaines "frustrations" liées à son handicap qui semblaient freiner sa carrière, selon le rapport.
Par ailleurs, sa femme a décrit aux policiers un "comportement inhabituel et agité" de son mari la veille de la tuerie, confirmé par le voisinage.
Un des résidents a raconté à Libération l'avoir entendu crier "Allah Akbar" à six reprises dans la nuit. Le Point rapporte de son côté qu'en garde à vue la femme de Mickaël Harpon "a décrit son époux comme 'possédé' pendant cette crise et a affirmé que toute la famille s'était réunie au milieu du salon, lui en larmes et prostré".
Vos commentaires