L'opposition vénézuélienne a manifesté mercredi pour accentuer la pression sur le gouvernement socialiste et provoquer un départ anticipé du président Nicolas Maduro, mais la faible mobilisation fait apparaître des divisions et une forme d'usure du mouvement, jugent les analystes.
A peine un demi-millier de partisans de la coalition de la Table pour l'unité démocratique (MUD, centre-droit) ont protesté devant un tribunal administratif dans l'est de Caracas, dénonçant l'"échec" du modèle économique alors que les pénuries d'aliments et de médicaments se font chaque jour plus criantes.
Pour l'analyste Benigno Alarcon, cette mobilisation à l'appel d'Henrique Capriles, un des leaders de l'opposition, n'a pas reçu le soutien de toutes les composantes de la MUD.
"Capriles l'a faite de son côté et contre l'avis d'autres partis", a-t-il déclaré à l'AFP, soulignant l'"effet d'usure lié à l'excès de manifestations".
"Il y en a eu jusqu'à deux par semaine. Les gens commencent peut-être à se demander si cela a un sens de participer, et ce qu'ils vont obtenir avec ce défilé", a ajouté Benigno Alarcon.
Nicmer Evans, un expert politique chaviste (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013 et mentor de Nicolas Maduro) mais critique du président, abonde dans le même sens: "les gens ne sentent pas que ces appels à manifester les représente, ils veulent des solutions aux problèmes sociaux et non politiques".
"L'heure est venue pour vous de décider si vous êtes avec la Constitution ou avec Maduro", avait lancé à l'adresse des militaires Henrique Capriles, dans un discours devant les manifestants.
"Nous ne voulons pas de coup d'Etat, nous voulons que vous défendiez la Constitution", a-t-il clamé.
- Contre-la-montre -
Devant le Tribunal suprême de justice (TSJ), dans l'ouest de la capitale, policiers et militaires avaient été déployés pour empêcher tout rassemblement. Des manifestations étaient convoquées dans une vingtaine de villes de pays.
La MUD, majoritaire au Parlement, est engagée dans un contre-la-montre: si elle veut faire partir le président de 53 ans et entraîner de nouvelles élections, elle doit organiser un référendum d'ici le 10 janvier. Sinon elle n'obtiendrait, au mieux, que son remplacement par le vice-président.
Mais, alors qu'elle veut s'appuyer sur la rue pour se faire entendre, la justice a interdit toute manifestation face au Conseil national électoral (CNE), chargé de vérifier les deux millions de signatures remises début mai par l'opposition, première étape du processus vers le référendum.
"Prétendre qu'on peut faire taire les protestations à coup de décisions judiciaires, c'est une bêtise", a assuré à l'AFP le secrétaire exécutif de la MUD, Jesus Torrealba.
"Le peuple vénézuélien a le droit de manifester pacifiquement, de s'exprimer librement", a renchéri la députée Marialbert Barrios.
Dans ce pays doté des plus importantes réserves pétrolières de la planète mais qui importe la quasi-totalité de ses produits, les jours d'opulence ne sont plus qu'un lointain souvenir.
Maintenant que les cours du brut ont fondu, tout ou presque manque dans les rayons des supermarchés. L'inflation atteindra 700% cette année, selon le Fonds monétaire international (FMI).
- Timide pression internationale -
Lundi, le géant américain Coca-Cola a décidé de suspendre une grande partie de sa production au Venezuela faute de sucre.
Le même jour, le gouvernement, qui contrôle les prix de nombreux aliments pour contrer l'inflation, a multiplié par 10 celui de la farine de maïs et par 13 celui du poulet.
Excédés par ces tracas du quotidien, auxquels s'ajoutent des coupures d'électricité imposées par les autorités pour économiser l'énergie, 68% des Vénézuéliens souhaitent le départ de Nicolas Maduro, élu jusqu'en 2019.
Surfant sur ce mécontentement, l'opposition exige un référendum révocatoire à son encontre, une option prévue dans la Constitution et utilisée une seule fois - mais sans succès - dans l'histoire du pays, en 2004, contre son prédécesseur Hugo Chavez (1999-2013).
"L'unique option qu'a l'opposition pour faire pression en faveur du référendum est la manifestation pacifique dans la rue, en plus de la pression internationale", estime le politologue Hector Briceño.
Les Vénézuéliens gardent aussi en mémoire les violentes manifestations de 2014, qui avaient fait 43 morts officiellement.
Timide effort de pression internationale, l'ex-chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero et deux anciens présidents latino-américains sont depuis la semaine dernière à Caracas pour promouvoir le dialogue.
Mais le camp présidentiel, qui contrôle la majorité des institutions, se veut inflexible: opposant une fin de non-recevoir au référendum, avant même toute décision des autorités électorales, Nicolas Maduro a décrété l'état d'exception, synonyme pour lui de pouvoirs accrus.
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