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Violences conjugales: des femmes "en danger" demandent la protection des juges

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Des femmes "en danger" demandent la protection des jugesLOIC VENANCE
 

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"J'ai peur de rentrer chez moi, tous les jours il m'agresse": assise, tremblante, face à une juge aux affaires familiales de Créteil, Véronique l'implore de lui délivrer une ordonnance de protection, une mesure d'urgence pour les victimes de violences conjugales.

Doudoune sur le dos et l'air paniqué, Véronique (le prénom a été modifié) n'entre dans le bureau de la juge Anne Barriera qu'après s'être assurée qu'elle pourra s'exprimer hors présence de "Monsieur". Les mains jointes, prostrée sur une chaise, elle raconte son "cauchemar": des insultes, intimidations et menaces de mort régulières.

"C'est tous les jours, tous les jours", lâche d'une voix faible Véronique, venue à l'audience avec un épais dossier: au moins trois mains courantes déposées dans les seize derniers mois et deux récentes plaintes, ainsi que deux certificats médicaux attestant de violences psychologiques.

Quand il a reçu la citation à comparaître, deux semaines plus tôt, "Monsieur est devenu très gentil" et Véronique a voulu se désister de sa demande, raconte son avocate. Mais les brimades ont repris et il refuse toujours de quitter le domicile conjugal.

Entendu à son tour, l'époux de Véronique nie les violences répétées, admet avoir "une seule fois" mimé un geste d'égorgement lors "d'un moment de colère". "Elle est bipolaire, je n'arrive pas à suivre", avance-t-il. "Si vous décidez que je dois partir, je pars Madame", assure-t-il penaud, sans beaucoup convaincre la magistrate.

Les juges aux affaires familiales (JAF) délivrent les ordonnances de protection s'ils considèrent les violences comme vraisemblables et le danger actuel, permettant la mise à l'abri des victimes pendant six mois. Entré en vigueur il y a neuf ans, ce dispositif civil reste largement méconnu et très peu utilisé: quelque 3.000 demandes en France contre près de 40.000 en Espagne, pays reconnu pour l'efficacité de sa lutte contre les violences faites aux femmes.

Les demandes sont actuellement traitées en 42 jours en moyenne, un délai qu'une proposition de loi LR, adoptée le 15 octobre par l'Assemblée nationale et soutenue par le gouvernement, veut faire passer à six jours maximum.

- "Barrière de papier" -

Au tribunal de Créteil, les neuf JAF -qui examinent jusqu'à 5.000 dossiers par an, dont un peu moins de 200 ordonnances de protection- essayent de "convoquer à trois semaines" pour laisser le temps au contradictoire, et rendent leur jugement "dans les huit jours maximum", explique Anne Barriera.

Il n'y a pas d'audience dédiée, mais "des créneaux ouverts" pour ces urgences, indique-t-elle.

Avant de saisir les juges, les victimes -97% sont des femmes- sont incitées à se rendre à la permanence gratuite des avocats pour remplir leur requête et rassembler les éléments de preuves, dont des témoignages ou des SMS. Le tribunal de Créteil a également signé des protocoles avec les commissariats et les unités médico-judiciaires pour accélérer l'examen des demanderesses.

Dans cette procédure contradictoire, "tout est matière de preuves", souligne Anne Barriera. Dans son exigu bureau, se tiennent maintenant, le plus loin possible l'un de l'autre, des époux en instance de séparation.

La mère de famille "terrorisée" veut qu'il soit interdit à son mari d'entrer en contact avec elle et l'attribution du logement familial, la défense dénonce "un dossier qui ne repose sur rien: pas de preuves, pas d'ecchymoses sur le visage".

"Très isolée" et parlant peu français, la demanderesse a eu "pourtant le courage de déposer plainte", argumente son avocate: une première fois quand il "lui a donné des coups de poing en présence des enfants", une seconde quand "il l'a menacée de la tuer si elle partait avec un autre homme" et lui a promis de la faire suivre. "Ce sont des choses qui ne s'inventent pas!", insiste l'avocate.

La juge a entendu le "danger" et "l'urgence" et fait droit à sa demande de protection. Saluant "l'efficacité" du dispositif, Anne Barriera pointe également ses "limites": "malheureusement face à certains comportements, l'ordonnance de protection reste une barrière de papier".


 

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