L'attaque sanglante qui a eu lieu jeudi soir dans la ville française de Nice démontre toute la difficulté de lutter contre le terrorisme, explique Vincent Seron, criminologue et membre du Centre d'étude sur le terrorisme et la radicalisation (CETR) de l'université de Liège (ULg). "Si on rattache cet acte au terrorisme, cela démontre que peu de moyens et un processus pas très élaboré suffisent pour occasionner un grand nombre de victimes". Le criminologue reste prudent sur le lien entre cet acte et les attentats terroristes de Charlie Hebdo, Paris ou Bruxelles. "Pour l'instant, l'attentat n'a pas été revendiqué", souligne-t-il.
Un individu a tué 84 personnes, selon un bilan provisoire, jeudi soir à Nice en fonçant avec un camion dans la foule rassemblée pour le feu d'artifice du 14 juillet, à l'occasion de la fête nationale française. "Nous sommes dans un contexte de haut potentiel victimaire", précise Vincent Seron. "L'individu a trouvé la possibilité, avec un seul acte, d'engendrer un grand nombre de victimes. C'est l'essence même du terrorisme".
Ceci explique tout le problème de la lutte contre le terrorisme. "Il existe une multitude de cibles potentielles et il est impossible de toutes les sécuriser", souligne M. Seron. "L'élément déterminant reste la motivation à tuer des personnes au hasard et à envisager ou à cultiver le projet de mourir. Les deux se retrouvent dans la radicalisation. Cette motivation fait que l'idée de commettre un tel acte germe, il devient acceptable et justifié aux yeux de l'individu de tuer alors qu'il a été immergé dans une culture où normalement, on ne doit pas tuer".
"Quand on touche à des enfants, on augmente le facteur de terreur"
Le mode opératoire utilisé est plutôt récent, même s'il avait déjà été utilisé en 2013 à Londres ou en 2014 au Canada. Les attaques terroristes de 2015 et 2016 impliquaient des hommes lourdement armés ou des kamikazes. Dans ce cas, l'arme était un camion banal, difficile à neutraliser. "Il est vrai que l'État islamique a, par le passé, appelé à utiliser ce type de moyen".
L'attaque diffère également par ses victimes: plusieurs enfants ont perdu la vie lors de l'attaque. "La cible est devenue symbolique parce que la population est frappée là où ça fait mal. Quand on touche à des enfants, on augmente le facteur de terreur". Les raisons qui ont poussé l'individu à commettre son acte ne seront jamais claires, affirme Vincent Seron. "A-t-il choisi la date du 14 juillet pour le symbole de la fête nationale, celle de la Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité ou parce que cette date occasionnait un rassemblement de personnes permettant de faire un grand nombre de victimes? On ne saura jamais réellement quelle proportion ont eu ces deux éléments dans la décision de commettre l'acte".
L'individu a par contre choisi Nice "parce qu'il habitait vraisemblablement les lieux. Il s'est donc sûrement déjà rendu au feu d'artifice de la fête nationale, il connaissait les lieux. C'est typique de la délinquance: on commet son acte dans des endroits connus, parce que c'est plus facile. Les cambrioleurs fonctionnent comme ça également".
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