Humoriste, polémiste, animateur radio, voix des banlieues, Yassine Belattar est un personnage clivant, adoré ou détesté, connu pour ses clashs sur les réseaux sociaux et sur les plateaux de télévision.
Visé par une enquête suite à une plainte de l'ex-auteur des Guignols de l'info, Bruno Gaccio, il a été mis en examen jeudi pour "menaces de mort" et "harcèlement moral" sur des personnes du monde du spectacle, selon son avocate, qui a précisé qu'il contestait les faits de harcèlement et une partie des menaces.
Radio Nova, où il anime depuis 2016 l'émission quotidenne "Les 30 glorieuses", a aussitôt annoncé sa mise en retrait de l'antenne.
L'humoriste de 36 ans alimentait déjà la chronique depuis quelque temps, entre son face-à-face télévisé musclé avec Eric Zemmour et une enquête de Mediapart évoquant de sa part des comportements "humiliants ou menaçants" envers plusieurs personnes.
"Que je menace des gens, c'est un fait", avait-il répondu, laissant entrevoir une face sombre et "ingérable" (le titre de son spectacle), loin de celle plus sympathique de l'animateur radio.
Car Yassine Belattar est un personnage multiple: pour les auditeurs de Radio Nova, il est d'abord l'artisan d'une quotidienne, aux côtés de DJ Chelou (Thomas Barbazan) avec lequel il collabore depuis 15 ans. L'émission est devenue un petit phénomène médiatique avec ses remix où se télescopent Aznavour et le rappeur Booba.
Pour ses détracteurs (le député LR Eric Ciotti, Valeurs actuelles, l'ancien Premier ministre Manuel Valls...), il est controversé et complaisant avec l'islamisme, apparaissant pour certains comme un nouveau Dieudonné.
L'hebdomadaire Marianne l'avait qualifié de "faux clown et vrai danger" dans un article en 2017.
Ce qui lui est reproché: une proximité supposée avec l'islam politique et le fait d'avoir animé, après l'attentat contre Charlie Hebdo, le gala du Collectif contre l'islamophobie en France, réputé proche des Frères musulmans et de Tariq Ramadan.
Des accusations que balaie ce Franco-Marocain, qui était aussi le premier humoriste à remonter sur scène au Bataclan après les attentats.
- Procès en racisme -
Celui qui préfère se définir comme "artiste, bi-national, bi-polaire" (sur Twitter où il compte 31.000 abonnés) ou "afro-européen" s'est imposé dans les médias comme un porte-parole des banlieues et de la communauté musulmane.
En mars 2018, l'AFP l'avait rencontré à Sevran, en Seine-Saint-Denis. Il annonçait alors "investir" dans un bar-PMU dont le patron avait vécu un calvaire après la diffusion d'un reportage tourné en caméra caché, où on voyait des clients chasser des militantes au motif qu'un café ne serait pas un endroit pour les femmes.
Belattar s'était alors présenté comme "un jeune de banlieue, qui a grandi aux Mureaux, qui a réussi". "En m'associant au patron de ce bar, je saisis une opportunité d'aider des gens qui ne le sont pas. Ce n'est pas de l'opportunisme. Il est juste temps que les gens de banlieue qui réussissent renvoient l'ascenseur".
De nouveau contacté quelques mois plus tard, l'animateur avait dit ne pas être associé à ce bar. En refusant de fournir des explications.
Malgré cela, il a pris l'habitude de donner son avis sur tout, de la théorie du grand remplacement après l'attentat antimusulman de Christchurch, au hijab de sport de Décathlon ou les injures antisémites proférées contre Alain Finkielkraut.
Ses interventions donnent souvent lieu à des prises de bec virulentes. "Il fustige le FN, combat Alain Finkielkraut, dresse des procès en racisme voire en fascisme à beaucoup de ses interlocuteurs qui ne partagent pas ses avis", affirmait le journaliste Pascal Praud (Cnews) en le présentant pour le débat avec Eric Zemmour.
Ses prises de parole sur les banlieues lui ont en tout cas valu l'attention d'Emmanuel Macron, qu'il a soutenu politiquement après François Hollande.
Le président l'a nommé en 2018 au Conseil présidentiel des Villes, destiné à alimenter la réflexion de l'exécutif sur les quartiers prioritaires, ce qui n'a pas manqué de susciter la polémique.
En réponse, Yassine Belattar met en avant un texto du président qui lui aurait écrit "T'obsède pas. Continue. Par ailleurs, il a lancé un appel à la manifestation le 13 avril, place de la République. Un rassemblement "pour la dignité", dont il a eu l'idée après la polémique sur le hijab de Décathlon.
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