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"C'est sûr que ça passe": en traversant la Manche, les migrants prêts à tout

 
 

Tenter le tout pour le tout, motivés par la réussite de certains: le nombre de migrants qui ont essayé de traverser la Manche a doublé cette année, malgré la surveillance accrue et la dangerosité du détroit, qui a coûté la vie à un Irakien.

La lutte contre ces traversées clandestines sera au coeur d'une rencontre jeudi à Paris entre la ministre britannique de l'Intérieur, Priti Patel, et son homologue français Christophe Castaner.

Depuis janvier, 1.473 migrants ont tenté de rejoindre les côtes anglaises, lors de 157 tentatives, contre 586 migrants pour 78 tentatives sur l'ensemble de l'année 2018, selon les chiffres de la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord.

En 2015, il n'y avait eu aucune opération de ce type. Le phénomène apparu en 2016 - 164 migrants secourus, puis 47 en 2017 - restait anecdotique jusqu'à l'automne 2018. Depuis, l'augmentation est "lente mais constante" selon les autorités judiciaires, malgré le plan d'action franco-britannique lancé en janvier renforçant la surveillance côtière, en mer et à terre.

Certains tentent même de traverser ce détroit, large d'une trentaine de km en son point le plus étroit entre le Cap Gris-Nez et Douvres, à la nage: pour la première fois le corps d'un Irakien âgé de 48 ans a été retrouvé au large de Zeebruges en Belgique, vendredi, vraisemblablement parti d'une plage du nord de la France. Une femme est par ailleurs toujours portée disparue, depuis une opération de secours en mer début août.

"C'est sûr que c'est plus médiatique, mais par rapport au travail quotidien de la douane, de la PAF, de la gendarmerie, on a quand même beaucoup plus de découvertes dans les camions", tempère une source policière.

En cas de secours dans les eaux françaises, les migrants sont ramenés sur le littoral français, entendus par la police aux frontières pour s'assurer qu'ils ne sont pas des passeurs, puis libérés, sauf si la préfecture demande leur placement en centre de rétention.

Les passeurs, vivant rarement sur le littoral, achètent en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique des petites embarcations qu'ils dissimulent dans le sable. Ils amènent ensuite leurs clients - qui paient entre 3.000 et 12.000 livres - sur les dunes du Pas-de-Calais ou du Nord et les laissent ensuite se débrouiller pour traverser.

- "Brexit, un argument de passeurs" -

Quelque 98 embarcations sont ainsi parvenues à rejoindre les côtés anglaises, avec à leur bord 1.029 migrants, selon la préfecture du Pas-de-Calais.

"Bien sûr, il y a des réussites, c'est d'ailleurs ce qui encourage le passage, ils savent que ça peut fonctionner", affirme le parquet de Boulogne-sur-Mer, qui a démantelé cette année huit filières spécialisées dans les traversées maritimes. "Le problème du Brexit est un argument de passeurs, ce n'est pas le Brexit qui constitue un élément nouveau."

L'intensification des tentatives serait liée à l'arrivée d'une "communauté iranienne qui n'avait pas trouvé sa place sur le Calaisis et le Dunkerquois, puisque les Afghans avaient pris le marché des poids lourds. Ils ont ensuite été rejoints par les Irakiens".

Selon Beauveau, elle s'explique par les "contrôles des passagers de plus en plus drastiques dans le tunnel et les ferrys".

Chez les associations, on évoque d'autres raisons: un "harcèlement policier", notamment à Calais où vivent plusieurs centaines de personnes et les messages des migrants, majoritairement iraniens et irakiens, qui ont réussi.

"Les conditions (sur le littoral) sont affreuses. On comprend qu'ils soient prêts à tout" malgré les risques liés au trafic maritime dense, la fraîcheur de l'eau et la fragilité des semi-rigides, estime Claire Millot de l'association Salam.

"Il y a de plus en plus de gens déboutés, il leur reste quoi comme choix à part l'Angleterre ? Le tri effectué en France met les gens en grande détresse", abonde Gaël Manzi, d'Utopia56.

Pour François Guennoc, de l'Auberge des migrants, c'est le "sentiment d'un accablement" qui domine, rappelant qu'environ "200 personnes depuis 20 ans" sont mortes à la frontière, lors de rixes, à bord de camions ou sous le tunnel, notamment.


 

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