Donald Trump, en tête de la course à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 2016, se démarque non seulement par ses propos outranciers mais aussi par un vocabulaire particulièrement pauvre, qu'un enfant de 10 ans pourrait comprendre.
Si l'on applique le test Flesch-Kincaid aux discours d'introduction et de conclusion tenus par les neuf candidats lors du débat républicain qui s'est déroulé mardi soir à Las Vegas (ouest), il en ressort que c'est Donald Trump qui a le langage le plus pauvre. Cette méthode développée pour la marine de guerre américaine permet de déterminer la complexité d'un texte écrit en anglais, en fonction de la longueur de ses phrases et du nombre de syllabes dans les mots utilisés.
"Des mots courts et simples"
Le magnat de l'immobilier a tenu un discours que des enfants de 9-10 ans auraient pu comprendre, selon les calculs de la méthode du linguiste Rudolf Flesch et du scientifique J. Peter Kincaid. En 1 minute 30 de discours d'introduction et de conclusion, le moment où les candidats doivent résumer le plus efficacement possible leur message, il n'a utilisé que 7% de mots de plus de trois syllabes.
Le milliardaire a pour habitude d'user et d'abuser de mots courts et simples, comme "good", "bad" et "great" ("bons", "méchants", et "génial" en français), pour étayer ses arguments lors de ses discours. Donald Trump a d'ailleurs conclu son intervention à Las Vegas en promettant: "Si je suis élu président, nous allons nous remettre à gagner. Nous allons beaucoup gagner. Et nous allons avoir un pays génial, vraiment génial, encore plus génial qu'auparavant".
Il a à l'inverse qualifié pendant la soirée le président syrien Bachar al-Assad de "mec méchant, très méchant" ("bad guy, very bad guy" en version originale).
'Rassurer l'auditoire'
"Donald Trump tente de rassurer son auditoire, en touchant nos instincts politiques primaires. Il répète des mots simples", explique à l'AFP Peter Lawler, professeur de sciences politiques à l'université Berry College, et auteur d'un livre sur la rhétorique politique américaine.
"Une certaine frange d'Américains associent la simplicité à l'honnêteté. Ils ne croient plus aux discours trop élaborés, ils les jugent trompeurs", ajoute Matthew Baum, professeur de communication à l'école d'administration Harvard Kennedy School.
L'homme d'affaires de 69 ans utilise également souvent le mot "bête", pour qualifier ses adversaires ou le gouvernement au pouvoir. "Nous sommes dirigés par des personnes bêtes. Auparavant je disais 'incompétent' mais 'bête', c'est vraiment le niveau supérieur", proclamait-il lors d'un meeting début décembre. L'âge estimé nécessaire pour comprendre les déclarations des autres candidats lors du débat oscille entre 11 ans pour le sénateur libertarien Rand Paul, et 15 ans pour Ted Cruz ou le neurochirurgien à la retraite Ben Carson.
"Des discours révisés vs des idées qui lui passent par la tête"
La part de mots de plus de trois syllabes dans les discours des autres candidats était de 14% en moyenne, le double de Donald Trump (l'anglais est une langue où les mots sont plus courts que le français). Ted Cruz, le sénateur du Texas qui occupe la deuxième place derrière Trump dans les intentions de vote, a pour sa part utilisé 24% de mots "complexes", alors que Jeb Bush, l'ancien gouverneur de Floride, en a utilisé 15%.
"Les autres candidats révisent beaucoup avant les débats, et leurs réponses semblent trop préparées à l'avance. Trump se contente de dire ce qui lui passe par la tête. Mais tout cela est calculé, il sait très bien ce qu'il fait", analyse Peter Lawler.
Donald Trump a eu recours à la même rhétorique simpliste pour aborder pendant le débat le sujet de l'utilisation d'internet par l'organisation État islamique (EI): "Nous devrions pouvoir pénétrer dans internet, et trouver exactement où est l'EI, et tout ce qu'il y a sur l'EI. Et on peut le faire, si on utilise nos bonnes personnes".
"Il y a des dossiers qu'il ne maîtrise pas du tout, mais le public ne s'en émeut pas. Marco Rubio a repris Trump lors du dernier débat, mais son intervention était ennuyeuse. Trump se justifie en disant qu'il engagera les meilleurs experts sur ce sujet quand il sera président", explique Peter Lawler. Cela ne semble pas choquer les électeurs républicains, qui étaient 38% à soutenir Trump dans un sondage Washington Post/ABC publié mardi, et 41% selon l'institut de l'université Monmouth.
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