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"Orphelins", "marchandises": dans les manifestations, la bataille réthorique des anti-PMA

"Orphelins", "marchandises": dans les manifestations, la bataille réthorique des anti-PMA
Manifestation anti-PMA et anti-GPA le 5 mai 2013 à LyonPHILIPPE DESMAZES
 
 

Des "orphelins de père" promis à une "douleur sans fin": la bataille contre la PMA qui reprend dimanche dans la rue se joue également à coups de slogans dénoncés comme "violents et stigmatisants" par les femmes qui ont enfanté via ce procédé.

Revigorée en octobre par la première manifestation contre l'extension de la procréation médicalement assistée, Valérie manifestera à nouveau à Paris sous la bannière "Marchons enfants", deux jours avant l'examen du projet de loi bioéthique au Sénat.

En autorisant la PMA à toutes les femmes, "l'État va organiser la naissance d'enfants orphelins de père et la sécurité sociale va rembourser ce désir communautaire", estime cette femme de 62 ans, "active" dans la Manif pour tous et qui ne souhaite pas donner son patronyme.

Elle s'insurge aussi contre "la marchandisation du vivant: derrière ces désirs d'enfants, il y a surtout un gros business".

Pense-t-elle aux effets de ce vocabulaire sur les enfants déjà nés d'une PMA ? Les mères concernées "doivent assumer leurs responsabilités", évacue cette catholique pratiquante.

En octobre, Anne-Sophie Duperray a eu la "boule au ventre" en découvrant les 74.500 manifestants recensés à Paris. "Je me suis rendu compte qu'il fallait que je prépare ma fille, en lui expliquant que certains pensent qu'elle ne devrait pas exister", confie cette femme, mère de Léonie, 3 ans, née grâce à une PMA réalisée aux Pays-Bas.

"Je lui ai dit: +tu sais ma chérie, il y a des gens qui pensent que la seule façon d'être heureux, c'est d'avoir un papa et une maman+", raconte cette catholique célibataire de 41 ans, co-fondatrice de l'association Mam'ensolo. "Elle m'a regardée avec de grands yeux."

Léonie ne sait "pas encore lire" mais sa mère a recouvert les nombreuses inscriptions "PMA sans père, douleur sans fin" dans son quartier à Paris. "Chacun doit faire attention à ce qu'il dit", plaide cette fonctionnaire. "Quand on parle +d'orphelins de père+ ou qu'on compare les enfants à des +légumes OGM+ (comme l'a fait la Manif pour tous dans une affiche fin 2017, ndlr), c'est une agression."

- "Le poids des mots" -

"Les caricatures n'aident pas à faire avancer le débat", convient Patrick de Cibon qui manifestera pourtant dimanche. "Un orphelin c'est quelqu'un qui a perdu son père, donc je n'utilise pas ce mot", pose ce gestionnaire de projets informatiques. Tout en ajoutant: "Il faut aussi savoir appeler un chat un chat; dans la pratique, il n'y aura pas de père ou il sera inconnu".

"On pense au désir d'enfant, pas à l'enfant lui-même", regrette M. de Cibon, président de l'antenne nantaise de l'Association des familles catholiques (AFC), un des trois piliers du mouvement Marchons enfants avec la Manif pour tous et Alliance Vita. Déçu de "ne pas être entendu", il compte se mobiliser dans la durée comme en 2012-2013.

Pour Magali Champetier et sa compagne, voir renaître les défilés d'opposants et leurs "slogans violents et stigmatisants", quelques années après la mobilisation contre le mariage pour tous, suscite agacement et lassitude. Ce couple de femmes éloigne ses enfants de la télévision.

Victor et Margot, respectivement 10 et 6 ans, sont nés d'une PMA réalisée en Espagne. Actuellement en CM2, l'aîné "commence à poser des questions", raconte cette salariée dans les télécoms des Alpes-Maritimes. "Je lui dis que ce sont des gens homophobes qui pensent qu'une famille n'est pas parfaite s'il n'y a pas de père."

Psychiatre à Paris, Bruno Boniface témoigne du "dégoût" ressenti par ses patientes lesbiennes ou mères célibataires. "On oublie le poids des mots", regrette-t-il.

"On ne pose pas la question de ce que ça fait à un enfant d'entendre qu'il est une marchandise", insiste le professionnel. "Comme pour les couples hétérosexuels infertiles, payer une PMA revient à faire ce qu'il faut pour que l'enfant naisse parce qu'il n'y a pas d'autre possibilité. Ça ne fait pas de l'enfant une marchandise, c'est une contingence", souligne-t-il.

Le praticien aimerait qu'on "arrête de comparer les familles entre elles". Avoir un père "est utile pour le développement de l'enfant", mais le plus important reste "d'expliquer à l'enfant ses origines, comme pour les parents qui ont adopté".


 

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