La Chine a lancé une mise en garde vendredi à la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen tout juste intronisée, l'avertissant que la paix serait "impossible" si elle faisait le moindre pas vers l'indépendance.
Mme Tsai avait appelé à un "dialogue positif" avec la Chine dans un discours inaugural au ton conciliant, après avoir prêté serment pour devenir la première femme chef de l'Etat de Taïwan.
L'ancienne Formose suit sa propre destinée depuis 1949 même si elle n'a jamais déclaré l'indépendance. Cette année là, les nationalistes du KMT s'y étaient réfugiés après avoir été vaincus par les communistes de Mao Tsé-toung.
Pékin considère toujours l'île comme faisant partie intégrante de son territoire, susceptible d'être reprise par la force le cas échéant.
Mme Tsai avait remporté en janvier une victoire écrasante face au Kuomintang (KMT), qui sous l'égide du président sortant Ma Jing-jeou, avait opéré pendant huit ans un rapprochement spectaculaire avec Pékin.
Mais les électeurs ont été nombreux à considérer que Ma Jing-jeou avait été trop loin, que sa politique, plus que de servir les intérêts de Taïwan, avait surtout mis en péril la souveraineté du territoire.
Mme Tsai est issue des rangs du Parti démocratique progressiste (PDP), mouvement aux positions traditionnellement indépendantistes.
Elle a martelé qu'elle maintiendrait le statu quo avec le géant asiatique mais celui-ci reste extrêmement méfiant à son endroit.
"En cas de démarches vers l'indépendance, la paix et la stabilité seraient impossibles dans le détroit de Taïwan", a déclaré à Pékin le Bureau des affaires taïwanaises dans un communiqué.
"L'indépendance (serait) le plus grand désastre pour la paix dans le détroit de Taïwan et le développement pacifique des relations" entre la Chine continentale et l'île.
Les relations se sont déjà rafraîchies depuis la victoire électorale de Mme Tsai.
La Chine pousse pour qu'elle endosse le consensus tacite conclu en 1992 entre Pékin et Taipei: il n'y a qu'"une seule Chine" et chaque partie peut interpréter cela comme elle l'entend.
La nouvelle présidente, comme le PDP, refusent de reconnaître ce consensus de 1992.
Devant une foule jubilatoire de 20.000 personnes rassemblées devant la présidence, Mme Tsai a cherché à présenter Taipei comme une force de paix et de dialogue.
- "Impasse politique" -
"Les deux parties gouvernantes sur les deux rives du détroit (de Formose) doivent laisser de côté le poids de l'Histoire et s'engager dans un dialogue positif, pour le bénéfice du peuple de part et d'autre", a-t-elle dit dans son discours inaugural.
"Les relations bilatérales sont devenues partie intégrante de la construction de la paix régionale et de la sécurité collective", a-t-elle dit. "Dans ce processus, Taïwan sera une +gardienne de la paix ardente+ qui participe activement et n'est jamais absente".
Mais elle n'a pas dévié de sa ligne.
Sans mentionner la Chine expressément, elle a souligné que l'île devait mettre un terme à sa dépendance commerciale envers le continent et "dire adieu à notre surbordination passée à un seul marché".
Mme Tsai a réitéré à cet égard l'attachement de Taïwan à sa culture démocratique.
D'après les analystes, la nouvelle présidente a été aussi loin que possible pour apaiser Pékin, sans rien proposer de concret ou s'aliéner des Tawaïnais méfiants envers la Chine.
"Elle a tenté de parvenir à un ton conciliant, compte tenu du manque de confiance entre les deux parties", a souligné Tang Shao-cheng, politologue à l'Université nationale de Chengchi à Taipei.
Mais sans engagement sur le principe +une seule Chine+, il n'est guère probable que Pékin soit satisfait.
"Je crois que la Chine ne vas pas accepter ce discours facilement", a dit Yang Kai-huang, analyste à l'université Ming Chuan de Taipei. "C'est difficile d'être optimiste au sujet des relations bilatérales".
Même son de cloches chez Zhang Wensheng, directeur du département d'étude politique à l'Institut de recherche sur Taïwan de l'Université de Xiamen (Chine continentale).
Sans acceptation du consensus de 1992, "cela sera impossible pour (Pékin) de coopérer avec elle". Il y aura "une impasse politique", un "affrontement économique et une bataille en matière de relations internationales."
En attendant, les médias officiels chinois sont restés extrêmement discrets sur son intronisation tandis que les mots "Taïwan" et "Tsai Ing-wen" étaient bloqués sur le réseau social Sina Weibo, populaire plateforme de microblog.
La cérémonie d'intronisation a célébré la culture et l'histoire singulières de Taïwan tandis que de faux manifestants ont simulé une "marche de la démocratie taïwanaise" pour rappeler au nouveau gouvernement qu'il faut écouter l'opinion.
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