(Belga) Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, qui ont coûté la vie à 2.977 personnes, dont un Belge, ont initié une guerre occidentale contre le terrorisme. "Ces 20 ans de lutte ont suivi de mauvaises politiques et on a favorisé le sécuritaire, au détriment d'autres problématiques qui étaient plus urgentes comme le climat, le social...", estime Mohamed Fahmi, expert en djihadisme à l'Université libre de Bruxelles (ULB).
Les avions qui s'écrasent dans les tours du World Trade Center, sur le Pentagone et dans la campagne de la Pennsylvanie : les images des attentats du 11 septembre 2001 ont marqué toute une génération. Ces attaques auront de multiples conséquences politiques, avec notamment une guerre en Afghanistan - dans laquelle la Belgique s'est engagée - et une autre, faisant moins consensus, menée en Irak. Depuis ces attentats aussi, le quotidien des passagers aériens a changé. Il faut désormais prendre garde à la quantité de liquides transportés en cabine, se soumettre à des examens de sécurité de plus en plus minutieux ou répondre à de multiples questions lorsqu'on se rend Outre-Atlantique. Ces attentats ont aussi eu des répercussions sociales en Belgique, avec un changement de regard vis-à-vis de la communauté musulmane, l'attaque ayant été menée par l'organisation terroriste islamiste Al-Qaïda. "Avant le 11 septembre, on parlait en Belgique de l'intégration de personnes d'origine étrangère", sans pointer une quelconque religion, analyse M. Fahmi. Un changement s'opère à la fin des années 1990 et s'accentue après les attentats : c'est le mot sécurisation qui arrive sur toutes les lèvres. "La problématique de l'intégration devient associée à un problème de sécurité. C'est un moment-charnière : il n'est plus question de problème d'intégration, de problèmes sociétaux, culturels ou d'identité, mais d'un problème sécuritaire", explique cet expert en djihadisme. Une atmosphère qui culminera avec les attentats perpétrés par la suite par l'État islamique, à Paris en 2015 ou à Bruxelles en 2016. Les débats et regards portés sur la communauté musulmane diffèrent toutefois selon que l'on se trouve dans la partie francophone ou néerlandophone du pays, ajoute Mohamed Fahmi. Ainsi, "du côté francophone, on est beaucoup influencés par la France et la question de la laïcité, ou plutôt de la neutralité en Belgique. On discute valeurs", illustre-t-il. "Du côté néerlandophone, c'est plutôt l'idée de l'islamisation de l'Europe qui émerge, sous l'influence de l'extrême-droite aux Pays-Bas et le parti des libertés de Geert Wilders." Le Vlaams Belang va reprendre cette idée "et l'associer à la menace terroriste". Un autre moment de basculement quant à ce regard porté en Belgique sur la communauté musulmane sera la guerre en Syrie, avec le départ de centaines de jeunes à partir de 2011 vers le pays en guerre pour combattre. "A partir de ce moment, on parle de radicalisation. Alors qu'avant, on n'entendait pas ce terme. On n'avait pas de phénomène de masse avec Al Qaïda", explique M. Fahmi. En parallèle, le débat devient parfois difficile et passionné, ce qui "génère des frustrations autant chez les musulmans que chez les non musulmans". En conséquence, les extrêmes gagnent du terrain. Islamisme et extrême-droite sont "deux discours radicaux, qui s'alimentent et se nourrissent entre eux. Tous deux prêchent une guerre de civilisation", relève Mohamed Fahmi, qui ajoute que le terrorisme d'extrême-droite est actuellement "en pleine effervescence". Cette montée des extrêmes "est problématique et est la conséquence des mauvaises politiques pour répondre au problème du terrorisme djihadiste ces 20 dernières années", selon cet expert en djihadisme. La politique élaborée par les Etats-Unis et les Alliés pour combattre le terrorisme est "inefficace et inadaptée" à ses yeux, preuve en est le retour au pouvoir en Afghanistan des talibans dès que les Américains se sont retirés du pays, souligne-t-il. A cette guerre contre le terrorisme, il faut aussi ajouter des facteurs contextuels comme "les limites du capitalisme, avec la difficulté de trouver un emploi, et la crise climatique" pour expliquer cette montée des extrêmes. "Ces 20 ans de lutte contre le terrorisme ont suivi de mauvaises politiques et en plus au détriment d'autres problématiques qui étaient plus urgentes comme le climat, le social... On a favorisé le sécuritaire. Or, les groupes radicaux se nourrissent des problèmes sociétaux, auxquels ils apportent des explications", ajoute Mohamed Fahmi. "On se trouve aujourd'hui dans une situation difficile, en partie causée par la guerre contre le terrorisme depuis 20 ans", conclut-il. (Belga)
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