À Bruxelles, un élu musulman mène campagne au plus près de sa communauté. En mêlant Gaza et le port du voile aux sujets du pouvoir d'achat ou de la crise du logement, Fouad Ahidar bouscule les partis de gauche sur leurs terres, et suscite la controverse.
Ce député régional, qui a quitté fin 2023 les rangs des socialistes flamands, a créé la surprise aux élections générales du 9 juin, quand la nouvellement constituée "Team Fouad Ahidar" a décroché trois sièges au parlement de Bruxelles.
L'élu belge d'origine marocaine compte bien être encore le trublion du vote municipal prévu dimanche, pour lequel il présente des listes à Anvers, Gand, Vilvorde, ainsi que dans sept des 19 communes bruxelloises. Celles du nord et de l'ouest de la capitale où les communautés marocaine et turque ont leurs attaches depuis le siècle dernier.
Des communautés que Fouad Ahidar ne fait pas mystère de vouloir défendre, assurant que les musulmans en Belgique "ont le droit de vivre leur religiosité". "Il y a des droits à respecter pour les croyants", clame l'élu qui se dit musulman "pratiquant" et veut par exemple mettre fin à l'interdiction du port du voile dans les administrations bruxelloises.
En novembre 2023, un mois après l'attaque du 7-Octobre perpétrée par le Hamas en Israël, il a déclenché une vive polémique en qualifiant celle-ci de "petite réponse" des islamistes palestiniens à des décennies de "massacres" commis par les Israéliens.
Il s'est ensuite excusé et assure "condamner" ce qu'a fait le Hamas le 7 octobre.
Dans une interview à une chaîne Youtube, il a aussi établi un parallèle entre la Shoah et le "génocide" de la population de Gaza. Des propos qui lui ont valu une plainte au pénal de la part de plusieurs organisations juives. "L'enquête est encore en cours", a indiqué à l'AFP le parquet de Bruxelles.
- 15.000 numéros collectés -
Aujourd'hui Fouad Ahidar repousse avec vigueur l'étiquette "communautariste": "Je suis un politicien bruxellois à l'écoute des tous les Bruxellois".
"Personne n'est neutre et que ce soit en portant un foulard, une kippa ou une croix, le plus important c'est de pouvoir travailler", affirme-t-il à l'AFP sur un marché de Molenbeek où il est venu faire campagne avec ses candidats.
Dans cette commune populaire de Bruxelles, connue pour sa forte communauté marocaine, les candidats du PS et du PTB (communistes) arborent keffieh ou badge aux couleurs du drapeau palestinien. Sur le marché, le conflit à Gaza est comme une toile de fond omniprésente.
Mais Fouad Ahidar n'a pas sorti son keffieh ce jour-là, et explique vouloir parler sécurité, insalubrité, harcèlement à l'école. Ou des difficulté d'accès au logement social à Bruxelles, malgré "le million de m2 de bureaux vides!".
Cet ancien travailleur social se veut le champion de la proximité et du contact direct avec l'électeur. En distribuant sa carte de visite mentionnant son numéro de portable, il propose aux gens de l'appeler. Résultat: 15.000 numéros de téléphone collectés, répartis dans une soixantaine de listes de diffusion sur WhatsApp.
- Vendeur sur les marchés -
Slalomant au milieu d'une foule compacte, le quinquagénaire multiplie les accolades et se glisse derrière les étals de fruits en rigolant pour rappeler qu'adolescent il a lui-même été vendeur sur les marchés.
"Fouad c'est quelqu'un de truculent, d'authentique, présent pour les gens", admet Catherine Moureaux, bourgmestre (PS) de Molenbeek candidate à sa réélection.
"Mais pour essayer de lancer son mouvement il utilise des thématiques très régionales, comme par exemple l'abattage rituel, et qui ne touchent pas à la gestion communale", tacle l'élue.
Si M. Ahidar est tête de liste dans la commune bruxelloise de Jette, Molenbeek sera bien davantage au centre de l'attention dimanche soir, à l'heure des résultats du vote dans les 581 municipalités de Belgique.
Pour le politologue Pascal Delwit, c'est à Molenbeek que les candidats de la "Team" ont le plus de chance de participer à une majorité municipale, en tout cas d'avoir "un pouvoir de chantage" à l'égard de potentiels alliés.
Car de manière générale le côté "trop sulfureux" de Fouad Ahidar devrait lui nuire dans la plupart des communes au moment de négocier les coalitions, poursuit cet expert, jugeant possible que des messages WhatsApp compromettants refassent surface.
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