En ce moment
 
 

A Hong Kong, les touristes de Chine continentale sur le qui-vive

 
 

Forcément, le voyage n'a plus la même saveur quand on craint d'être agressé. A Hong Kong, les touristes de Chine continentale sont sur le qui-vive, persuadés d'être des cibles au moment où la contestation contre Pékin se radicalise.

"Récemment, on a été agressé par un groupe de jeunes garçons et filles habillés en noir. Ils nous criaient : +Dégagez! Rentrez chez vous !+ On n'a pas cherché la confrontation et on est parti", explique à l'AFP Li Heying, 49 ans.

Au bord de la célèbre baie de Hong Kong, sous une température de 34 degrés, cette guide en provenance de Chine continentale, lunettes de soleil sur le nez, veille sur une vingtaine de touristes se prenant en photo devant une forêt d'immenses gratte-ciel de verre.

"Dès qu'il y a des manifestants à un endroit, on l'évite. Car on risque de se faire frapper", raconte-elle. Elle dit avoir enregistré ces derniers jours 70% d'annulations, les clients étant refroidis par les manifestations.

La crise politique à Hong Kong, retourné à la Chine en 1997, est née en juin de l'opposition de nombreux habitants à un projet de loi visant à permettre les extraditions vers la Chine continentale - où la justice est sous l'influence du Parti communiste au pouvoir.

D'abord strictement pacifique, le mouvement s'est durci faute de dialogue, et les manifestations ont de plus en plus souvent dégénéré en affrontements entre la police et des radicaux lançant des pierres, des briques voire des cocktails Molotov.

Pékin n'a pas le droit d'intervenir à Hong Kong, un territoire autonome. Mais fustige les actions de cette frange radicale et a agité le spectre d'une intervention de l'armée -- certes peu probable. Des propos qui ont attisé le ressentiment local contre les "continentaux".

- Journaliste tabassé -

"Je sens du mépris dans le regard de certains Hongkongais", témoigne M. He, un ouvrier de 28 ans qui vient rendre visite à sa cousine.

Les Chinois du continent sont vite identifiables. Par leur style vestimentaire, souvent moins sophistiqué, et par leur langue: la plupart parlent mandarin tandis que les Hongkongais parlent cantonais.

La semaine dernière, deux Chinois accusés d'être des espions de Pékin -dont un journaliste- ont été tabassés à l'aéroport de Hong Kong. L'affaire a fait un tollé, le gouvernement chinois parlant d'agressions "quasi-terroristes" et la presse, orientée, embrayant dans la dénonciation des violences.

"Les chauffeurs de taxi, les serveurs, les employés des hôtels... Tout le monde est sympa", relativise Zhu He, 36 ans, qui accompagne son fils à un concours de piano. "Mais j'évite de parler politique."

"Les Hongkongais ont certainement de bonnes raisons de manifester. Je comprends totalement. Mais ça doit rester non-violent", déclare-t-il, une opinion représentative de la majorité des Chinois du continent interrogés par l'AFP.

Près de la statue dorée sur le front de mer qui représente la fleur de bauhinia, emblème de Hong Kong, des touristes agitent des petits drapeaux chinois aussitôt récupérés par leur guide affolée, car un patriotisme trop zélé pourrait être perçu comme une provocation.

Juste à côté, Zhang Yidi, une longiligne actrice de 30 ans en train de photographier son fils, explique en souriant que le papa "est resté à l'hôtel car il a un peu peur".

Elle dit ne pas être "trop inquiète". "Car c'est calme cette semaine".

- "Des sans-cerveaux" -

Perplexe avant son arrivée, Chen Meili, une femme de 25 ans en robe bleue, dit avoir été rassurée par un ami hongkongais.

"Le gouvernement local gère bien la crise je trouve, car aucun mort n'est à déplorer", estime-t-elle.

Sous le regard approbateur de son ami hongkongais, elle dénonce les manifestants ("des enfants gâtés"), notamment les auteurs de violences ("des sans-cerveaux") et appelle à "l'intervention de l'armée" si les choses dégénèrent.

"La police hongkongaise est démocratique, elle laisse beaucoup faire. Mais c'est vrai qu'on aimerait un retour au calme, car le climat est un peu délétère", juge Mme Liang, une mère au foyer de 33 ans.

Elle est venue visiter l'Avenue des stars, promenade bordée d'empreintes des gloires du cinéma hongkongais, avec sa fille de cinq ans.

Celle-ci, loin d'être inquiète des manifestations, redoute plutôt le sujet de conversation: "Monsieur, si vous parlez de politique et de manifestations en public, la police va vous arrêter", murmure-t-elle à un journaliste de l'AFP.

"Mais non, on est à Hong Kong, ma chérie. C'est la liberté d'expression ici", sourit sa maman en l'embrassant.


 

Vos commentaires