L'Espagne et Cuba ont signé mardi un accord de coopération à l'occasion de la visite du roi Felipe VI et de la reine Letizia pour les 500 ans de La Havane, un geste politique fort alors que l'île socialiste est sous pression diplomatique des Etats-Unis.
Paraphé par les ministres des Affaires étrangères des deux pays, Josep Borrell et Bruno Rodriguez, l'accord, d'un montant de 57,5 millions d'euros, "actualise la stratégie de la coopération espagnole à Cuba pour la période 2019-2022", a indiqué l'agence espagnole de coopération (Aecid) sur Twitter.
Il portera sur l'amélioration de la productivité, le développement des territoires et le renforcement de d'administration publique.
Peu avant, le roi avait été reçu par le président Miguel Diaz-Canel, selon qui cette "rencontre cordiale" a permis de souligner "les relations bilatérales positives fondées sur des liens historiques et culturels, que nous allons renforcer".
Première visite d'Etat d'un monarque espagnol dans ce pays - une des dernières colonies d'Amérique latine à avoir quitté le giron de Madrid, en 1898 -, elle survient à un moment de festivités pour La Havane, qui attire des millions de touristes séduits par son charme suranné et s'apprête à célébrer l'anniversaire de sa fondation, le 16 novembre 1519.
Après des années de chantiers pour restaurer son centre historique et y construire plusieurs hôtels de luxe, la ville colorée a mis les dernières touches ces dernières semaines, avec la réfection de la chaussée en bord de mer ainsi que l'éclairage.
Oeuvre-phare de cet anniversaire, le Capitole a été rénové et sa coupole recouverte d'or, offert par la Russie.
- Voyage de soutien -
Mais le contexte politique n'est pas vraiment à la fête: l'administration de Donald Trump, qui accuse le gouvernement cubain d'opprimer son peuple et de soutenir militairement le Venezuela de Nicolas Maduro, multiplie les sanctions contre l'île.
Dans ce climat houleux, Cuba cherche l'appui de ses alliés traditionnels comme la Russie et le Venezuela, mais aussi celui de l'Union européenne.
"Face au harcèlement de l'administration Trump contre Cuba, le voyage du couple royal (espagnol) sur l'île peut s'interpréter comme un soutien aux relations économiques, politiques, culturelles et de coopération entre Cuba et l'Espagne", souligne Raynier Pellon, expert du Centre de recherches de politique internationale de La Havane.
Troisième partenaire commercial de Cuba après la Chine et le Venezuela, avec des échanges d'1,39 milliard de dollars en 2018, l'Espagne critique la politique américaine, notamment l'activation du titre 3 de la loi Helms-Burton, qui menace de poursuites des entreprises étrangères présentes à Cuba.
Pour rassurer les nombreuses sociétés espagnoles travaillant sur l'île, comme les groupes hôteliers Melia et Iberostar, le chef du gouvernement Pedro Sanchez avait promis de "continuer à encourager les investissements à Cuba", lors de sa visite en novembre 2018.
- Ni Maduro ni dissidence -
Vêtu d'une guayabera - la traditionnelle chemise cubaine - bleue, le roi Felipe a parcouru mardi matin, avec son épouse Letizia, les les rues pavées de la vieille ville de La Havane, placée par l'Unesco sur sa liste du Patrimoine mondial en 1982.
Le couple a ensuite déjeuné dans un paladar, l'un de ces nombreux restaurants qui ont fleuri depuis que l'île s'est ouverte à l'activité privée en 2008.
Ils quitteront l'île jeudi, avant la date officielle des 500 ans de La Havane, occasion de célébrations organisées vendredi et samedi où sont attendus plusieurs dirigeants latinoaméricains.
"Le motif très évident", explique Carlos Malamud, chercheur de l'Institut Elcano à Madrid, "est le désir du gouvernement d'éviter un contact gênant avec Daniel Ortega et Nicolas Maduro", même si la venue des présidents du Nicaragua et du Venezuela, alliés traditionnels de Cuba, n'est pas confirmée.
Aucune rencontre n'est prévue non plus avec la dissidence, ce qui a poussé Amnesty International à écrire au roi pour lui demander de plaider en faveur de "la libération immédiate et inconditionnelle de six prisonniers de conscience" et de l'opposant José Daniel Ferrer, détenu depuis le 1er octobre.
Le sénateur de Floride Marco Rubio lui a aussi écrit, l'incitant à avoir "une conversation privée avec des membres de l'opposition cubaine" afin de connaître "les violations des droits humains et la censure à laquelle ils sont soumis au quotidien".
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