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A Paris, des migrants et leurs enfants sous des tentes de fortune

 
 

"On a toujours peur que les enfants se fassent écraser": depuis un mois, Tahir, réfugié éthiopien, dort sous une tente à Paris à quelques mètres d'un carrefour bruyant, une illustration de la "dégradation" de l'accueil que des associations dénonçaient mardi avec une grève inédite.

Depuis plusieurs semaines, un "campement des familles" s'est installé près de la porte d'Aubervilliers (nord) avec une centaine de tentes serrées le long du boulevard extérieur. Ni bagarres, ni tensions ici: l'ambiance est plus calme que porte de La Chapelle, campement voisin où se concentrent les hommes seuls.

Mais les poussettes rangées entre les tentes, les bébés dans les bras et les femmes frissonnant dans le froid racontent tout autant la détresse des migrants du nord de la capitale.

"Je suis réfugié, mes deux enfants sont nés ici", raconte Tahir, arrivé en France il y a quatre ans avec son épouse Bountou et passé par Vichy où il n'a jamais trouvé de travail. Sous la tente, "les enfants mangent mal, ils sont malades, ils vomissent".

"La seule chose qu'on veut, c'est un hébergement!", s'exclame Telene, une Érythréenne mère d'une fillette de 10 mois, près des robinets installés par la Ville.

Dans l'espoir d'une prise en charge, une femme voûtée se dirige vers le centre d'accueil pour les familles ouvert dans le quartier Bastille, ses quatre enfants emmitouflés sur ses talons -- l'aînée n'a pas plus de 10 ans.

"C'est dur", raconte Sara, Afghane de 11 ans déboutée de l'asile en Suède avec sa famille il y a un mois. "Là-bas j'allais à l'école. Là, j'attends que le centre culturel ouvre pour y passer l'après-midi, ça me tient chaud", raconte-t-elle en anglais. Sa mère, Nerget, se met à pleurer. "Le soir (l'association) Utopia nous envoie parfois dormir chez des gens, mais ils ne viendront pas aujourd'hui", dit-elle.

- Dispositif saturé -

Une vingtaine d'associations et de collectifs citoyens ont en effet lancé une journée d'action mardi, stoppant toute intervention de soutien à l'exception des distributions alimentaires, pour protester contre l'action des pouvoirs publics et dire leurs craintes après la fin de la trêve hivernale.

"C'est terrible d'avoir eu ce parcours et de venir échouer à Paris. La situation se dégrade", soupire Christian Reboul de Médecins du monde.

L'attention s'est surtout focalisée sur les campements d'hommes, porte de La Chapelle notamment, où plus de 300 personnes avaient été évacuées dans une ambiance tendue la semaine dernière.

Les femmes et les familles, considérées comme vulnérables, sont traditionnellement prises en charge plus rapidement. "Le nombre de familles n'a pas augmenté mais le dispositif est saturé. A partir de septembre-octobre, ça a craqué", soupire-t-on à la ville de Paris.

Depuis ce week-end et des affrontements sur le campement de la Chapelle, certains hommes ont aussi déménagé leur tente vers la porte d'Aubervilliers. "On a soigné hier pas mal de blessures liées à la rixe", assure M. Reboul.

Les riverains, eux, regardent la situation avec incompréhension.

"Je suis dégoutée, c'est la base de l'humanité, on peut pas laisser des gens comme ça", s'indigne Meriem, employée d'une banque voisine, qui vient "tous les deux jours" distribuer de la nourriture.

L'après-midi, les familles peuvent trouver refuge dans le centre social et culturel voisin. "On les accueille, ils peuvent prendre du thé. Des riverains viennent donner des cours", raconte Céline, salariée du centre Rosa-Parks. "On est devenus une sorte d'accueil de jour. Mais ce n'est pas notre vocation!"

Karine reste sceptique. "On est riverains et on n'a aucune information", peste la jeune femme, qui en est convaincue: "Ca ne se passerait pas dans le 8e ou le 16e arrondissement".


 

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