En ce moment
 
 

Abdelhamid Abaaoud, un "suiveur" devenu chef opérationnel

 
 

Le jihadiste belgo-marocain Abdelhamid Abaaoud, tué mercredi lors d'un assaut de la police française à Saint-Denis, était un "suiveur plutôt qu'un leader", selon son ancien avocat, ce qui ne l'a pas empêché de gravir les échelons au sein de l'EI jusqu'à devenir un expert dans la préparation d'attentats.

"C'était plutôt quelqu'un de réservé, en quête de reconnaissance de la part de son entourage ou ses amis", a témoigné vendredi à la télévision belge RTBF Me Alexandre Chateau, qui a défendu Abdelhamid Abaaoud à partir de 2006 dans des affaires de vols et violences.

L'avocat explique n'avoir "absolument pas" constaté de radicalisation chez son client, dont il n'a plus eu de nouvelles depuis 2013 et une comparution à laquelle ce dernier ne s'était pas rendu.

"Il semblait se rapprocher de la religion par des signes extérieurs, se laissant pousser la barbe, m'indiquant étudier un peu la religion", mais il n'y avait "pas de discours haineux ni de revendications particulières", a témoigné Me Chateau. "J'avais l'impression d'avoir affaire à quelqu'un qui, par ce biais-là, se sortait de sa logique de délinquance", a-t-il raconté.

- Dérive radicale -

Né en 1987 à Bruxelles, Abaaoud se faisait notamment appeler Abou Omar al-Baljiki ("le Belge", en arabe). Il a été "formellement identifié" jeudi comme l'un des corps découverts dans l'immeuble de Saint-Denis, en banlieue parisienne. Vendredi, la justice française a identifié une femme morte à ses côtés: sa cousine Hasna Aitboulahcen, une Française d'origine marocaine âgée de 26 ans radicalisée après une jeunesse tumultueuse.

Au début de l'adolescence, Abaaoud avait été envoyé par son père, un commerçant de la commune bruxelloise de Molenbeek, dans un collège chic du sud de la capitale belge, où il avait gagné une réputation de "petit con", selon la presse belge. Le jeune homme n'y est resté qu'un an, avant de sombrer dans la petite délinquance.

"Abdelhamid n'était pas un enfant difficile et c'était devenu un bon commerçant. Mais tout à coup, il est parti pour la Syrie", disait pour sa part il y a quelques mois son père, Omar Abaaoud. "Il aurait voulu qu'Abdelhamid soit interrogé pour comprendre pourquoi il est arrivé à une telle dérive", a déclaré vendredi l'avocate du père, Nathalie Gallant.

Abdelhamid Abaaoud avait rejoint en 2013 les rangs de l'Etat islamique en Syrie, où il a d'abord servi la propagande francophone avant de prendre du galon. Un an plus tard, il vient chercher en Belgique, à la sortie de l'école, son petit frère Younès, alors âgé de 13 ans, et l’emmène en Syrie. Sa famille est sans nouvelles de Younes depuis la publication de photos de l'adolescent posant avec une kalachnikov, quelques mois après son départ de Belgique.

Abdelhamid Abaaoud était apparu début 2015 dans une vidéo de l'EI où il se vantait de commettre des atrocités, s'adressant, goguenard, à la caméra au volant d'un véhicule qui tirait des cadavres mutilés vers une fosse commune.

- Opérations d'envergure -

Selon la lettre confidentielle Intelligence online, Abaaoud avait été chargé en juin, lors d'une réunion des principaux chefs de l'organisation, de monter des opérations d'envergure dans la zone France/Espagne/Italie.

Une mission qui lui confère plus un profil de maître d'oeuvre que de véritable cerveau.

L'hiver dernier, il s'était vanté, dans Dabiq, le magazine en ligne de l'EI, de s'être rendu en Belgique cet hiver pour y monter une opération qui avait avorté après un raid de la police belge, puis d'être rentré en Syrie sans être repéré.

Selon le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, outre les attaques de Paris qui ont fait au moins 129 morts, Abdelhamid Abaaoud a été "impliqué dans quatre" des six attentats "évités ou déjoués par les services français depuis le printemps 2015".

Son implication a notamment été établie dans un projet d'attentat contre une église de Villejuif, au sud de Paris, en avril. Il pourrait être également impliqué dans l'attaque ratée d'un train Thalys Amsterdam-Paris en août.

Son retour en Europe, alors qu'on le pensait en Syrie, pose des questions sur les failles dans le dispositif mis en place par les services antiterroristes européens, que les ministres des 28 ont promis vendredi de renforcer.

C'est notamment un renseignement marocain qui a mis les enquêteurs sur la piste du jihadiste, planqué dans un appartement de Saint-Denis, à quelques centaines de mètres du Stade de France, lieu d'une partie des attaques qui ont frappé Paris le 13 novembre.


 

Vos commentaires