Le pape François a réclamé jeudi des mesures "concrètes et efficaces" au début d'un sommet inédit au Vatican pour lutter contre les agressions sexuelles de mineurs perpétrées par des membres du clergé, en réponse aux victimes qui souhaitent un électrochoc.
"Le peuple de Dieu nous regarde et attend de nous non pas de simples et évidentes condamnations, mais des mesures concrètes et efficaces à préconiser", a dit le souverain pontife en ouvrant cette réunion de trois jours et demi. "Il faut du concret", a-t-il martelé, s'écartant d'un texte préparé à l'avance, avant de demander aux 190 participants d'entendre "le cri des petits qui demandent justice".
Un enregistrement avec cinq témoignages poignants de victimes a été diffusé en préambule devant l'assemblée, silencieuse et émue. Un homme chilien, accusé de mensonges lorsqu'il a révélé son cas à la hiérarchie de l'Eglise, demande aux "assassins de la foi" d'éradiquer "tout le cancer". Une Africaine raconte l'horreur de relations sexuelles à partir de l'adolescence avec un prêtre dont elle dépendait financièrement dans son village et qui l'a obligée à avorter à trois reprises.
Le père Hans Zollner, expert de ces questions, a estimé que ces voix de tous les continents permettaient de souligner clairement que "ce n'est pas juste un problème nord-américain et européen".
L'Eglise, dont la crédibilité a été sévèrement entachée en 2018 par de nouveaux scandales de grande ampleur, au Chili, aux Etats-Unis ou encore en Allemagne, sait qu'elle doit désormais agir au risque de sombrer.
Pour des débats concrets, un document en 21 points de réflexion définis par des commissions et des conférences épiscopales a été présenté par le pape aux évêques et religieux.
- Les pistes de réflexion -
Le premier point évoque un "vade-mecum" spécifiant les démarches à entreprendre si un cas d'agression sexuelle émerge, un document déjà en cours de rédaction à l'intention des régions ne disposant pas d'experts en droit canon.
Dans cette liste figurent des structures d'écoute pour les victimes et des organismes autonomes de la paroisse locale pour déposer des plaintes, des règles sur les transferts de prêtres entre diocèses, des évaluations psychologiques des candidats à la prêtrise ou encore l'établissement de protocoles pour gérer les accusations portées contre des évêques.
Il s'agit d'une "feuille de route pour le développement futur de mesures au sein de l'Eglise", après le sommet, explique l'archevêque maltais Charles Scicluna, expert juridique du Vatican sur le problème de la pédophilie.
Il a d'ailleurs donné jeudi un mini-cours de droit aux évêques sur les procédures existantes, rappelant qu'il était important que "chaque allégation fasse l'objet d'une enquête".
Avant lui, le cardinal philippin Luis Antonio Tagle s'est montré très ému en parlant de "la souffrance des innocents". "Nous admettons avec humilité et douleur que des blessures ont été infligées par nous les évêques aux victimes et en fait à tout le corps du Christ", a-t-il dit.
"Notre absence de réponse à la souffrance des victimes, jusqu'à les rejeter et cacher le scandale pour protéger les auteurs et l'Institution, a blessé les gens, laissant une profonde blessure", a regretté le Philippin.
"Les premiers responsables" de cette crise "sont parmi nous", a aussi lancé le cardinal colombien Rubén Salazar Gómez. "Nous devons reconnaître que l'ennemi est à l'intérieur".
La courte réunion, qui se terminera dimanche par un discours, très attendu, du pape, ne doit pas déboucher sur un document final.
La réunion vise à réveiller les consciences dans les rangs de l'Eglise avec une méthode collégiale éducative.
Les 114 présidents des épiscopats en provenance de tous les continents devraient rentrer chez eux avec des idées claires à transmettre à leur tour, juge le pape François, qui sait que certains épiscopats sont encore dans un profond déni.
L'archevêque australien Mark Benedict Coleridge a d'ailleurs mis en exergue jeudi devant la presse toute la difficulté de tenir compte de contextes très différents. Dans son groupe de travail restreint, des évêques africains et asiatiques ont demandé "pourquoi toutes les discussions" portaient sur les agressions sexuelles, mettant en avant d'autres violences comme le travail des enfants.
A deux pas du Vatican, au pied du Château Saint-Ange, forteresse qui abrita autrefois des papes en danger, des victimes de l'association international ECA ("Ending clerical abuse") ont raconté leurs histoires jusqu'à la tombée de la nuit. "Ma présence ici, c'est un appel au secours pour les victimes en Afrique qui restent silencieuses", a dit Benjamin Kitobo, un Congolais vivant au Etats-Unis.
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