Les États-Unis ont mené samedi une frappe de drone contre une cible du groupe État islamique en Afghanistan, riposte à l'attentat contre l'aéroport de Kaboul où le pont aérien entre dans sa phase finale dans une tension extrême, avec le risque de nouvelles attaques.
"La frappe aérienne sans pilote s'est produite dans la province de Nangarhar en Afghanistan. Selon les premières indications, nous avons tué la cible", a précisé dans un communiqué Bill Urban, du commandement central, disant n'avoir connaissance "d'aucune victime civile".
Cette frappe, lancée depuis l'extérieur de l'Afghanistan, est la première de l'armée américaine depuis l'attentat survenu jeudi. Cette attaque, revendiquée par l’État islamique au Khorasan (EI-K), a fait plus d'une centaine de morts, dont 13 soldats américains, selon un nouveau bilan établi de sources sanitaires.
Deux responsables sanitaires de l'ancienne administration afghane ont indiqué à l'AFP qu'environ 90 personnes amenées dans des hôpitaux de Kaboul étaient décédées, et 150 blessées. Certains médias locaux ont fait état d'un bilan de 170 morts.
A quelques jours de la date-butoir du 31 août prévue pour le retrait des soldats américains d'Afghanistan après 20 ans de guerre, les évacuations de ceux qui veulent fuir le nouveau régime taliban touchent à leur fin à l'aéroport international Hamid Karzai.
Quelque 5.400 personnes étaient réfugiées dans l'enceinte de l'aéroport samedi matin attendant de monter dans un avion, selon les Américains, qui entendent faire en sorte que les exfiltrations se déroulent "jusqu'au dernier moment".
Mais les milliers de personnes qui étaient massées depuis des jours à l'extérieur de l'aéroport, dernière enclave occupée par les forces occidentales en Afghanistan,dans l'espoir d'accéder au tarmac, ont disparu, a constaté un journaliste de l'AFP.
Avec l'attentat, les talibans et les Américains ont été forcés de collaborer plus étroitement. Les premiers ont scellé l'accès à l'aéroport, vers lequel seuls les bus disposant d'une autorisation sont désormais autorisés à s'avancer.
- 112.000 personnes évacuées -
"Nous avons des listes données par les Américains (...) Si votre nom est sur la liste, vous pouvez passer", a expliqué à l'AFP un responsable taliban.
Au total, environ 112.000 personnes ont été évacuées depuis le 14 août, veille de la prise de pouvoir des talibans à Kaboul, selon les derniers chiffres du gouvernement américain. Quelque 6.800 l'ont été entre vendredi et samedi, un chiffre en décrue constante depuis mercredi.
Le président Joe Biden avait promis des représailles après l'attentat de jeudi. "Nous vous pourchasserons et nous vous ferons payer", avait-il affirmé à l'adresse des auteurs de l'attaque la plus meurtrière contre l'armée américaine en Afghanistan depuis 2011. "Nous répondrons avec force et précision quand nous le déciderons, où et quand nous le choisirons", avait-il ajouté depuis la Maison Blanche.
Le risque d'autres attentats persiste, selon Washington. "Nous estimons qu'il y a toujours (...) des menaces précises et crédibles", a prévenu vendredi John Kirby, le porte-parole du Pentagone. L'attachée de presse du président Biden, Jen Psaki, citant des experts sécuritaires, a estimé une autre attaque "probable". Les prochains jours seront "la période la plus dangereuse à ce jour", a-t-elle ajouté.
Vendredi soir, comme la veille de l'attentat, l'ambassade des États-Unis à Kaboul a demandé aux ressortissants américains de quitter "immédiatement" les abords de l'aéroport en raison de "menaces pour la sécurité".
L'Otan et l'Union européenne avaient appelé après l'attaque à poursuivre les évacuations malgré tout.
La France a mis fin vendredi soir à son pont aérien qui a permis d'évacuer "près de 3.000 personnes, dont plus de 2.600 Afghans" selon la ministre des Armées, Florence Parly.
Une délégation française a rencontré jeudi à Doha des représentants des talibans pour la première fois depuis qu'ils ont pris le pouvoir le 15 août. Ces discussions ont porté sur la situation à l'aéroport de Kaboul et les opérations d'évacuations, selon les deux parties.
- "Le droit inné" de travailler -
La Suisse, l'Italie, l'Espagne et la Suède ont également annoncé vendredi avoir terminé leurs vols d'évacuation, comme l'Allemagne, les Pays-Bas, le Canada ou l'Australie avant elles.
Côté britannique, les exfiltrations devaient s'arrêter samedi, selon le chef de l'armée, le général Nick Carter. Mais le Premier ministre, Boris Johnson, a promis vendredi que Londres remuerait "ciel et terre" "pour aider à sortir" les Afghans éligibles à l'asile.
Rival des talibans, l'EI est responsable de quelques-unes des plus sanglantes attaques menées en Afghanistan ces dernières années et pourrait profiter du flou actuel pour prospérer.
Le président français, Emmanuel Macron, a appelé samedi à "ne pas baisser la garde"devant l'EI qui "demeure une menace", à l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, à Bagdad où se tenait une conférence régionale devant se pencher notamment sur l'Afghanistan.
Les talibans se sont efforcés depuis leur retour d'afficher une image d'ouverture et de modération. Mais beaucoup d'Afghans, souvent urbains et éduqués, redoutent qu'ils n'instaurent le même type de régime fondamentaliste et brutal que lorsqu'ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001.
Ceux qui ont travaillé ces dernières années avec les étrangers ou le gouvernement pro-occidental déchu, notamment, ont peur d'être réduits au silence, voire traqués, et ont nourri le flot des nombreux candidats au départ.
Les femmes ont "le droit inné" de travailler, a cherché à rassurer Sher Mohammad Abbas Stanikzai, un ancien négociateur taliban dans les pourparlers de paix à Doha. "Elles peuvent travailler, elles peuvent étudier, elles peuvent participer à la politique et elles peuvent faire des affaires", a-t-il énuméré vendredi au cours d'une conférence de presse.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a convoqué les membres permanents du Conseil de Sécurité pour une réunion lundi sur la situation en Afghanistan.
burs-jf-cyb/cls
Vos commentaires