Pour la première fois depuis la prise du pouvoir des talibans, Joe Biden s’est exprimé. Les propos tenus par le président américain choquent, il dit notamment n’avoir aucun regret et a fermement défendu le retrait des troupes américaines de l’Afghanistan. Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’Université libre de Bruxelles et spécialiste des Etats-Unis, analyse la décision américaine.
Cela faisait vingt ans que les Etats-Unis étaient présents en Afghanistan, plusieurs milliards de Dollars ont été dépensés dans la guerre là-bas. Et aujourd’hui, le Président américain ordonne aux troupes américaines de quitter le pays, après la prise du pouvoir des talibans. Joe Biden s’est exprimé et ses propos peuvent choquer, il dit notamment n’avoir aucun regret et que, malgré vingt années de présence sur place, les Etats-Unis n’ont jamais eu pour vocation de construire une nation en Afghanistan. Cela donne l’impression à certains qu’il balaye du revers de la main tout ce qui a été fait. "Je ne pense pas qu’il s’en lave les mains, mais on peut dire qu’il est cohérent avec ce qu’il a toujours fait. On le sait et on le voit encore si on lit les mémoires d’Obama, il raconte comment Joe Biden était très opposé à l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan. Il ne faut pas oublier que son fils, qui est décédé, a combattu sur place. Mais au-delà de ça, il a toujours été un ferme opposant et il s’est présenté aux électeurs avec, aussi, la volonté de mettre fin à ce que l’on appelle les guerres sans fin", développe Serge Jaumain.
Ce qui est stupéfiant, c’est la rapidité avec laquelle les choses se sont déroulées
Cette guerre en Afghanistan dure depuis des années, "et on ne voyait pas la fin de cette guerre, souligne l’historien. S’il restait encore quelques années en plus, il n’est pas sûr que les choses auraient changé. Par contre, ce qui est stupéfiant, c’est la rapidité avec laquelle les choses se sont déroulées. Et là, visiblement, ça n’a pas été anticipé et d’une certaine manière, on peut penser que Biden a voulu continuer dans cette voie malgré les conseils et remarques qui lui ont été faits."
Pour lui, il s’agit d’un échec "effrayant" de la part de la politique américaine dans la guerre en Afghanistan. Guerre qui est parfois comparée à celle du Viêt Nam. "On peut effectivement la comparer à la guerre au Viêt Nam, même si on est toutefois dans un autre contexte. Mais le départ des troupes ici, ça correspond un peu à ce qu’on a connu à Saigon. Et d’ailleurs, dans beaucoup de médias, on met le deux en parallèle. Mais c’est une guerre qu’il fallait terminer", dit-il.
La Russie et la Chine "pactisent" avec les talibans
Comme les Etats-Unis qui quittent le territoire afghan, d’autres pays se positionnement déjà. La Russie et la Chine ont d’ailleurs déjà échangé avec les talibans ce mardi matin. Talibans avec qui les deux nations souhaitent des relations amicales. "La Chine a déjà de bonnes relations avec les talibans. Il y a quelques semaines, ils ont envoyé une délégation ici. Nous avons eu de bons échanges d’ici, ce qui inclut de l’aide et un support à leur activité en Afghanistan. Bien entendu, premièrement, nous n’allons pas intervenir dans leurs affaires intérieures. Deuxièmement, nous pouvons apporter de l’aide dans leur processus de reconstruction et faire des affaires", a notamment indiqué Teng Jianqun, directeur du département américain des relations avec la Chine.
C‘est important pour eux d’être présents dans la région, de prendre en quelque sorte la place des Américains
D’une certaine manière, on peut dire que la Russie et la Chine "pactisent" avec les talibans. Mais quel est le but de la manœuvre ? "C’est bien sûr stratégique, géostratégique", répond d’emblée Serge Jaumain. "Ils pactisent avec les talibans parce qu’ils n’ont pas le choix. C‘est important pour eux d’être présents dans la région, de prendre aussi en quelque sorte la place des Américains. C’est un élément important. Les Américains quittent cette scène et de nouveaux acteurs veulent en quelque sorte prendre la place. Il faut savoir que la Chine a une toute petite frontière avec l’Afghanistan mais c’est un élément important pour elle, d’autant que, du côté, chinois il y a les Ouïghours et c’est une situation difficile aujourd’hui", conclut l’historien.
Un nouvel ordre mondial est donc progressivement en train de se dessiner…
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