Un jeune Syrien, jugé pour un meurtre commis en août à Chemnitz et ayant déclenché des heurts racistes, a clamé lundi son innocence lors de son procès, ouvert lundi dans un climat de tension.
L'homicide avait entraîné l'été dernier un déchaînement de violences xénophobe inédit en Allemagne depuis plusieurs années. Dès lors, par crainte de nouveaux dérapages, c'est dans une autre ville de Saxe, à Dresde, dans une salle spéciale du Palais de justice et sous haute surveillance policière que comparaît depuis lundi matin le jeune homme de 23 ans, Alaa Sheikhi.
Vêtu d'une veste claire et assisté d'un traducteur, l'accusé, arrivé en Allemagne en 2015 comme des centaines de milliers d'autres réfugiés, n'a pas cherché à l'ouverture de l'audience à se cacher des photographes devant la cour, séparée du public par une plaque de verre.
- Manque de preuves -
Ses avocats, qui ont clamé à l'audience l'innocence de leur client, ont demandé d'emblée un examen approfondi des profils des juges. Ils veulent s'assurer qu'ils ne sont pas hostiles aux migrants ou sympathisants d'extrême droite.
Les mouvements extrémistes restent en effet particulièrement bien implantés en Saxe, un Land d'ex-Allemagne de l'Est où se déroulera en septembre une élection qui pourrait placer l'extrême droite à un niveau élevé.
C'est au même tribunal de Dresde qu'avaient été condamnés les néo-nazis du groupe "Freital" pour avoir attaqué des foyers de réfugiés en 2015, en plein pic d'immigration.
Les autorités craignent de nouveaux débordements de groupes radicaux à l'occasion du procès.
D'autant que plusieurs centaines de hooligans du club local (4e division) impliqués dans les heurts en août, étaient rassemblés à la mi-journée à Chemnitz pour les obsèques d'un des leurs.
Ces supporters ultras, vêtus de noir, sans insigne ou inscription démontrant une appartenance à l'extrême droite, se sont rassemblés en silence à proximité du cimetière, encadrés par un imposant dispositif policier.
Le parquet accuse le jeune homme, qui travaillait comme coiffeur dans cette ville, de meurtre et tentative de meurtre en réunion.
D'après l'acte d'accusation, à la suite "d'une dispute dont l'origine reste inconnue", l'accusé et un Irakien de 22 ans, Farhad R.A., toujours en fuite et considéré comme le principal auteur des faits, ont poignardé le 26 août Daniel H., un Allemand de 35 ans, quatre fois dans la poitrine et une fois dans le bras. La victime est décédée sur place.
Ils sont aussi accusés d'avoir blessé d'un coup de couteau dans le dos Dimitri M., un ami du défunt.
Le parquet dit avoir recueilli une centaine de témoignages. Mais les preuves contre le Syrien, qui nie les faits, seraient ténues, selon plusieurs médias allemands: l'accusation s'appuierait essentiellement sur un témoignage et ne disposerait d'aucune trace d'ADN incriminant l'accusé.
- "Haine dans la rue" -
Le meurtre avait très vite été utilisé par des groupuscules de droite radicale pour attiser la xénophobie et mobiliser dans la rue, comme après d'autres faits divers. Ils s'étaient ainsi aussi saisis du meurtre d'une adolescente pour lequel un migrant irakien, Ali Bashar, est actuellement jugé à Wiesbaden (Ouest).
Des hooligans de Chemnitz avaient organisé dans les heures ayant suivi le meurtre de premières protestations émaillées de violence. Des étrangers avaient été insultés et pris en chasse.
Puis c'est l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti d'extrême droite qui a fait une entrée fracassante au Bundestag lors des élections de 2017, qui avait organisé des manifestations, où certains participants avaient fait le salut hitlérien.
Ces images avaient choqué l'opinion et fait le tour du monde. Angela Merkel avait dénoncé des "chasses à l'étranger" et la "haine dans la rue".
Malgré un concert et des rassemblements contre le racisme, la démonstration des hooligans début mars, scandant des slogans néo-nazis dans le stade de foot de Chemnitz, a montré "à qui appartient la ville", d'après le journal Süddeutsche Zeitung.
Le procès doit durer au moins jusqu'au 29 octobre.
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