Le gouvernement indien a juré vendredi de "faire payer le prix fort" aux responsables de l'attentat qui a tué la veille au moins 41 paramilitaires au Cachemire, attaque la plus meurtrière depuis le début de l'insurrection dans cette région poudrière disputée avec le Pakistan.
"Je veux dire aux groupes terroristes et à leurs maîtres qu'ils ont commis une grosse erreur. Ils vont devoir payer le prix fort", a déclaré le Premier ministre indien Narendra Modi à l'issue d'une réunion d'urgence de son gouvernement dans la matinée.
Un attentat-suicide, revendiqué par un groupe islamiste basé au Pakistan, a frappé jeudi après-midi un convoi de 78 véhicules transportant quelque 2.500 paramilitaires de la Central Reserve Police Force (CRPF) de retour de congés. La puissante explosion a eu lieu sur une autoroute à proximité de la grande ville de Srinagar.
Le ministères des Affaires étrangères indien a convoqué vendredi l'ambassadeur pakistanais à New Delhi pour protester contre cette attaque, revendiquée par l'organisation Jaish-e-Mohammed. Ce groupe armé établi côté pakistanais est l'un des plus actifs dans l'insurrection séparatiste meurtrière qui fait rage au Cachemire indien depuis 1989.
L'Inde reproche au Pakistan de laisser le chef de Jaish-e-Mohammed, Masood Azhar, opérer en toute liberté sur son territoire et s'en servir comme base arrière dans son combat contre New Delhi.
"Les forces de sécurité ont reçu toute latitude pour s'occuper des terroristes", a lancé Narendra Modi, estimant que "le sang du peuple bout".
Survenant dans un contexte de montée de tensions entre New Delhi et Islamabad et à l'approche des élections en Inde, cette attaque risque de déclencher une nouvelle crise ouverte entre les deux puissances nucléaires, s'inquiètent les observateurs.
L'Inde accuse de longue date le Pakistan de soutenir en sous-main les infiltrations et la rébellion armée, ce qu'Islamabad a toujours démenti. "Les 24-48 prochaines heures sont cruciales. Ça pourrait dégénérer", a prévenu Moeed Yusuf, analyste à l'Institute of Peace.
- Effigies brûlées -
Dans la vallée à majorité musulmane de Srinagar, l'internet était ralenti ou coupé vendredi. Des milliers de membres des forces de sécurité patrouillaient dans les rues.
Plus au sud, dans la partie à majorité hindoue de l'État du Jammu-et-Cachemire, des quartiers de la ville de Jammu étaient sous couvre-feu après des manifestations violentes. Des rassemblements dans de nombreuses villes ont scandé des slogans contre le Pakistan et brûlé des effigies de Masood Azhar.
Région himalayenne revendiquée par les deux nations depuis la fin de la colonisation britannique en 1947, le Cachemire est divisé de facto entre ces frères ennemis d'Asie du Sud. Les forces indiennes dans la partie sous contrôle de New Delhi sont estimées à un demi-million d'hommes, ce qui en fait l'une des zones les plus militarisées du monde.
Dans sa revendication, Jaish-e-Mohammed a indiqué que l'attentat-suicide a été perpétré par un jeune homme de 20 ans originaire de la vallée de Srinagar.
Le Pakistan a démenti toute implication. "Nous rejetons fermement toute insinuation par des éléments des médias et du gouvernement indien qui tentent de relier l'attaque au Pakistan sans qu'il y ait eu enquête", a déclaré le ministère pakistanais des Affaires étrangères.
Cet attentat intervient à un moment délicat pour le gouvernement Modi, qui doit bientôt affronter les urnes à l'occasion des élections législatives indiennes attendues pour avril-mai et brigue un second mandat.
En 2016, en représailles à l'attaque meurtrière d'une base militaire indienne par un commando islamiste, le Premier ministre avait ordonné une série de raids commandos le long de la ligne de cessez-le-feu au Cachemire.
Ces "frappes chirurgicales" avaient été volontairement très médiatisées. Elles sont régulièrement mises en avant par le gouvernement nationaliste hindou pour ériger Narendra Modi en homme fort de l'Inde. Elles ont même fait l'objet d'un film, sorti au cinéma ces dernières semaines.
En matière de réplique, New Delhi avance cependant en terrain miné.
"Une option pourrait être de refaire ces dites +frappes chirurgicales+. Mais une telle action risque de provoquer une escalade dangereuse", a déclaré à l'AFP Manoj Joshi, chercheur à l'Observer Research Foundation de New Delhi.
Quant à une offensive diplomatique contre le Pakistan, elle pourrait se heurter aux intérêts des États-Unis, qui ont besoin d'Islamabad pour sortir du conflit afghan, et de la Chine, qui a énormément investi dans la république islamique.
"Il y avait un espoir que l'Inde et le Pakistan reprennent langue après les élections indiennes cette année. Je pense que les faucons des deux côtés vont rendre ça très difficile maintenant", a déploré Moeed Yusuf de l'Institute of Peace.
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