Un réfugié syrien et son fils ont été mercredi les premières victimes de l'attentat de Christchurch à être inhumées lors de funérailles émouvantes dans la ville néo-zélandaise, qui se prépare à plusieurs journées de déchirants adieux.
Au total, 50 fidèles ont été abattus lors de la prière de vendredi par le suprémaciste blanc Brenton Tarrant dans deux mosquées de la plus grande ville de l'île du Sud, dans un massacre qu'il a filmé et diffusé en direct sur Facebook.
Des centaines de personnes se sont rassemblées mercredi matin dans un cimetière proche de la mosquée Linwood, la deuxième attaquée par l'Australien de 28 ans.
C'est là que se sont déroulées les funérailles de Khalid Mustafa, 44 ans, et de son fils Hamza, 15 ans, qui ont été tués dans la mosquée al-Nour.
La famille était arrivée il y a un an en Nouvelle-Zélande, dans l'espoir d'y retrouver la paix après les années d'horreur du conflit syrien.
La coutume musulmane veut que les morts soient enterrés le plus rapidement possible
Khalil et son épouse avaient également une fille et un garçon. Celui-ci, âgé 13 ans et prénommé Zaid, a été blessé dans la fusillade et assistait dans un fauteuil roulant aux funérailles.
Jamil El-Biza, un habitant de la région de Sydney venu spécialement pour les funérailles, a déclaré à l'AFP que Zaid, avait déclaré, devant les tombes de son père et de son frère: "Je ne devrais pas me tenir devant vous. Je devrais être allongé à côté de vous."
Parmi les fidèles venus prier, figurait aussi Abdul Aziz, un réfugié afghan considéré comme un héros pour avoir tenté de s'opposer au tueur, et qui a été chaleureusment embrassé par de nombreuses personnes présentes.
Le début des funérailles permet aussi de répondre à la frustration grandissante des familles des victimes.
La coutume musulmane veut que les morts soient enterrés le plus rapidement possible, généralement dans les 24 heurs suivant le décès, mais les inhumations ont été repoussées en raison du lent processus d'identification et des investigations médico-légales.
Seules 12 victimes ont été identifiées formellement
Les autopsies des 50 victimes ont été menées mais "seules 12 victimes ont été identifiées" formellement à ce stade, et "six parmi les victimes identifiées ont été rendues à leur famille", a indiqué mardi la police qui a promis de mener à bien sa tâche aussi vite que possible alors que des dizaines de familles de victimes arrivent du monde entier à Christchurch en vue des funérailles.
Javed Dadabhai, venu d'Auckland pour enterrer son cousin, a expliqué que les proches avaient été avertis par les autorités que "le processus serait très lent, très exhaustif".
Le commissaire Mike Bush a dit espérer que la majorité des dépouilles soient restituées avant mercredi soir.
"Il serait impardonnable de rendre à une famille le mauvais corps", a-t-il dit dans un communiqué.
Mercredi, la Première ministre Jacinda Ardern a effectué une visite à la Cashmere High School, où étaient scolarisés Hamza et Zaid. L'établissement a perdu un autre élève, Sayyad Milne, 14 ans.
Quand un étudiant lui a demandé ce qu'elle ressentait, la Première ministre a répondu: "Je suis triste."
La veille, elle avait adressé un fort message de solidarité aux musulmans et promis de ne jamais prononcer le nom du tueur des mosquées, qui a justifié le massacre dans un "manifeste" raciste et islamophobe.
Propos "ignobles" d'Erdogan
Devant le Parlement réuni en session spéciale, elle avait déclaré que le tireur tomberait sous le coup de la loi "dans toute sa rigueur".
"Par cet acte terroriste, il recherchait beaucoup de choses, mais l'une d'elles était la notoriété", a-t-elle dit Mme Ardern à Wellington. "C'est pourquoi vous ne m'entendrez jamais prononcer son nom. C'est un terroriste. C'est un criminel. C'est un extrémiste. Mais quand je parlerai, il sera sans nom".
Dans la foulée du carnage, Mme Ardern avait annoncé un durcissement de la législation sur les armes qui a permis au tueur d'acheter l'arsenal ayant servi à l'attaque.
Sur le plan diplomatique, le Premier ministre australien Scott Morrison a jugé mercredi "irréfléchis", "ignobles" et "offensants" des propos tenus par le président turc Recep Tayyip Erdogan après l'attaque.
M. Morrison a fait sa déclaration après avoir convoqué l'ambassadeur de Turquie et avoir rejeté les "excuses" qui avaient été présentées.
M. Erdogan avait déclaré lundi que l'attentat de Christchurch s'inscrivait dans le cadre d'une attaque contre l'islam et la Turquie.
"Ce n'est pas un acte isolé, c'est quelque chose d'organisé", avait affirmé M. Erdogan lors d'un discours de campagne, en lançant que les Australiens hostiles à l'islam subiraient le même sort que les soldats australiens tués par les forces ottomanes lors de la bataille de Gallipoli, pendant la Première Guerre mondiale.
"J'attendrai de voir ce que sera la réaction du gouvernement turc avant de décider d'autres mesures, mais je peux vous dire que toutes les options sont sur la table", a insisté M. Morrison.
Mme Ardern a de son côté refusé d'être impliquée dans la polémique.
Après avoir protesté lundi contre une utilisation politique du massacre de Christchurch, son vice-Premier ministre Winston Peters a annoncé mardi qu'il se rendrait en Turquie cette semaine à la demande d'Ankara pour assister à une réunion spéciale de l'Organisation de la coopération islamique (OCI).
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