La Turquie, accusée par Moscou de "provocation planifiée", campait mercredi sur ses positions en publiant des enregistrements censés prouver que l'avion russe a été abattu alors qu'il était dans son espace aérien, tout en prônant la désescalade avec la Russie.
L'armée turque a rendu public l'enregistrement de ce qu'elle a présenté comme les avertissements adressés aux pilotes de l'avion de combat russe Su-24, abattu mardi par des chasseurs turcs F-16 près de la frontière syrienne.
"Ici l'armée de l'air turque. Vous approchez de l'espace aérien turc. Dirigez-vous vers le sud immédiatement", peut-on entendre sur l'un de ces enregistrements.
Moscou affirme de son côté que le Su-24 a été abattu alors qu'il se trouvait dans le ciel syrien: plusieurs chaînes de télévision russes pro-Kremlin diffusaient ainsi le témoignage d'un homme présenté comme le pilote, qui assurait n'avoir reçu "aucune sommation" de la part de l'armée turque.
"Nous avons de sérieux doutes sur le fait qu'il s'agisse d'un acte spontané, cela ressemble beaucoup à une provocation planifiée", a accusé le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse.
Pour autant, la Russie "ne fera pas la guerre à la Turquie, (ses) relations avec le peuple turc n'ont pas changé", a affirmé M. Lavrov.
A Ankara, le président turc Recep Tayyip Erdogan a assuré n'avoir "absolument aucune intention de provoquer une escalade après cette affaire" et son Premier ministre Ahmet Davutoglu a souligné qu'Ankara était "ami et voisin" de la Russie.
Cet incident, le plus grave survenu entre Moscou et Ankara depuis le début de l'intervention militaire russe en Syrie il y a deux mois, a coûté la vie à deux militaires russes, l'un des deux pilotes et un militaire participant à une opération de sauvetage qui a été tué après que l'hélicoptère de son commando avait été lui aussi abattu.
- Contacts diplomatiques -
M. Lavrov et son homologue turc Mevlut Cavusoglu "se sont mis d'accord pour se rencontrer dans les jours qui viennent", selon le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères Tanju Bilgiç.
Lors d'un entretien téléphonique, le ministre turc a "tenté de justifier les décisions de l'armée de l'air" turque en affirmant que l'avion russe avait "volé au total 17 secondes dans l'espace aérien turc", a révélé M. Lavrov.
Mais "cette attaque est totalement inacceptable", a-t-il martelé, ajoutant que Moscou allait "sérieusement réévaluer" les relations entre les deux pays.
Moscou et Ankara s'opposent de longue date au sujet de la crise syrienne. La Turquie a fait du départ du président Bachar al-Assad la condition sine qua non de tout règlement politique du conflit, qui a causé la mort de 250.000 personnes en quatre ans et demi. A l'inverse, la Russie soutient contre vents et marées, avec l'Iran, le président syrien.
Le président turc a de nouveau dénoncé mercredi l'intervention menée par Moscou depuis le 30 septembre en Syrie, affirmant que la Russie ne visait pas les positions de l'organisation Etat islamique (EI).
L'incident risque en outre de faire dérailler les efforts pilotés par la France pour raccrocher Moscou à la coalition antijihadiste après les attentats de Paris.
A ce sujet, M. Lavrov a d'ailleurs annoncé que la Russie soutenait la proposition du président français François Hollande de fermer la frontière turco-syrienne afin d'"arrêter le flux de combattants" jihadistes
- 'violation flagrante' -
Le président français François Hollande, qui s'est également entretenu avec M. Erdogan et qui rencontre jeudi son homologue russe Vladimir Poutine, a lui aussi appelé à la "désescalade", tout comme les Etats-Unis et l'Otan dont fait partie la Turquie.
Mais selon la presse turque, qui cite des sources militaires, l'armée de l'air turque a renforcé ses patrouilles avec 18 F-16 à la frontière syrienne depuis l'incident d'hier.
La Russie a de son côté intensifié ses raids aériens sur la zone où a été abattu l'avion, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
A Moscou, des centaines de manifestants ont jeté des pierres contre l'ambassade de Turquie.
Et les dirigeants russes ne cachent pas leur colère.
Lors d'un entretien mercredi soir avec son homologue américain John Kerry, M. Lavrov a dénoncé, selon un communiqué, "une violation flagrante du mémorandum russo-américain sur la sécurité des vols de leurs avions militaires en Syrie", rappelant que la Turquie faisait partie de la coalition menée par les Etats-Unis.
Vladimir Poutine, après avoir dénoncé mardi un "coup de poignard dans le dos", a appelé ses concitoyens à boycotter les plages turques face au "danger terroriste".
Son Premier ministre Dmitri Medvedev a reproché à Ankara ses "actions absurdes et criminelles", l'accusant de "protéger les militants de l'EI".
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