Joe Biden et Donald Trump ont entamé lundi un pas de deux qui pourrait durer des semaines: le premier s'est adressé aux Américains en les implorant de porter le masque contre le Covid-19, le second a réglé ses comptes avec son ministre de la Défense, limogé.
Promettant d'être "guidé par la science et les experts", le démocrate a endossé son habit de président élu des Etats-Unis en dévoilant les membres de son comité consultatif chargé de présenter dès son investiture, le 20 janvier, un plan détaillé pour sortir le pays de la crise sanitaire et économique.
Ce comité rassemble des experts reconnus et des anciens de l'administration de Barack Obama, dont le "lanceur d'alerte" Rick Bright, limogé d'une agence fédérale au coeur de la réponse sanitaire au début de la pandémie.
Lors d'une allocution dans sa ville de Wilmington, dans le Delaware, Joe Biden a plaidé une nouvelle fois pour le port du masque qui "n'est pas une posture politique".
"Il est temps de mettre fin à la politisation des gestes responsables de santé publique", a-t-il martelé alors que de nombreux partisans de Donald Trump rechignent à se couvrir le visage et que le président sortant n'a eu de cesse de minimiser la pandémie.
- Effet de miroir -
M. Biden avait auparavant, dans un communiqué diffusé par son équipe de transition, salué l'annonce par les laboratoires Pfizer et BioNTech d'un vaccin "efficace à 90%" contre le Covid-19, qui apporte "tant de raisons d'espérer".
Donald Trump, qui refuse toujours d'admettre sa défaite, a accusé Pfizer de ne pas avoir eu le "courage" d'annoncer son vaccin avant l'élection. "Si Biden était président, vous n'auriez pas le vaccin avant quatre ans", a-t-il assuré dans un tweet.
Le président sortant, dont l'agenda était totalement vide pour la sixième journée consécutive, a aussi annoncé sur Twitter le limogeage, attendu, du chef du Pentagone, Mark Esper.
Les relations entre le bouillant président républicain et ce technocrate de 56 ans étaient tendues depuis juin, quand Mark Esper s'était opposé publiquement au déploiement de l'armée pour réprimer les manifestations antiracistes dans le pays.
Ce limogeage est "une démonstration troublante de l'intention du président Trump d'utiliser ses derniers jours au pouvoir pour semer le chaos dans notre démocratie et à travers le monde", a déploré la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.
- "Cloaque de votes bidon" -
Donald Trump, qui ne s'est pas encore exprimé en public depuis l'annonce des résultats samedi, a promis de multiplier les actions en justice en arguant de "fraudes" électorales pour lesquelles il n'a pas fourni de preuves.
Et le ministre de la Justice, Bill Barr, un de ses alliés les plus fidèles, a donné son feu vert à l'ouverture d'enquêtes par les procureurs américains sur d'éventuelles irrégularités lors du scrutin du 3 novembre.
"Si les allégations sérieuses doivent être traitées avec beaucoup de soin, les réclamations spéculatives, fantaisistes ou farfelues ne doivent pas servir de base à l'ouverture d'enquêtes fédérales", a-t-il toutefois prévenu.
Les chances d'aboutir des procédures judiciaires sont très minces, car il faudrait trouver des arguments convaincants pour invalider des dizaines de milliers de voix non pas dans un Etat, mais dans quatre ou cinq d'entre eux. Et pour l'instant, le camp Trump n'a pas réussi à présenter un tel dossier.
Lors d'une étrange conférence de presse organisée à Washington, Kayleigh McEnany, porte-parole de la Maison Blanche, a affirmé lundi que l'élection n'était "pas terminée" et accusé les démocrates d'avoir "triché".
Fait remarquable: la chaîne Fox News a interrompu la retransmission en direct, jugeant irresponsable de relayer des accusations de fraude qui ne reposent sur aucun élément concret.
S'il a estimé que Donald Trump était "à 100% en droit" d'envisager des recours, le puissant patron de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a prononcé un discours tout en prudence, sans jamais faire siennes ces accusations de fraude.
"Une poignée de recours en justice de la part du président ne signent pas vraiment la fin de la République", a-t-il relevé, comme pour minimiser la portée des actions de la Maison Blanche.
Joe Biden semble en tout cas en faire peu de cas et n'a pratiquement pas eu un mot pour le président sortant depuis son discours de victoire samedi soir.
Résolument tourné vers la transition, l'ancien vice-président de Barack Obama, 77 ans, a mis en ligne un site BuildBackBetter.com et des comptes Twitter pour cette période le séparant de son investiture.
Il y annonce ses priorités: combat contre la pandémie, reconstruction économique, justice raciale et lutte contre le réchauffement climatique.
Alors qu'il pourrait devoir composer avec un Sénat à majorité républicaine, il a été félicité par la sénatrice républicaine Susan Collins pour son "apparente victoire". L'élue centriste pourrait devenir un personnage-clé pour le vote de ses réformes.
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