Pour sa première journée de liberté, l'ex-président brésilien de gauche Lula a harangué plus d'un millier de sympathisants samedi près de Sao Paulo, attaquant violemment le président Jair Bolsonaro qui l'avait traité de "canaille".
C'est un Luiz Inacio da Silva vociférant, souvent rouge de colère, qui s'en est pris violemment au président d'extrême droite, moins de 24 heures après sa sortie de prison.
"Jair Bolsonaro a été élu démocratiquement (en 2018), mais pour gouverner pour le peuple brésilien, et non pour les miliciens de Rio de Janeiro", a hurlé Lula sous les vivats de militants vêtus de rouge.
Il faisait référence à la mort sous les balles en mars 2018 de la conseillère noire de Rio Marielle Franco, un assassinat encore non élucidé mais pour lequel les milices de Rio ont été pointées du doigt.
"Je suis de retour!", a également lancé un Lula furieux à Sergio Moro qui l'avait condamné pour corruption. "Ce n'est pas un juge, c'est une canaille", a-t-il ajouté au sujet de celui dont l'impartialité a été contestée par des fuites et qui est devenu le ministre de la Justice de Jair Bolsonaro.
Emprisonné en avril 2018 pour huit ans et dix mois pour avoir touché des pots de vin, Lula a été libéré vendredi à la faveur d'un arrêt de la Cour suprême permettant l'élargissement de près de 5.000 détenus, qui a outré la droite.
L'ancien syndicaliste a donné des embrassades émues à de nombreux proches, des militants et même des journalistes à son arrivée au siège du syndicat des métallos de Sao Bernardo do Campo, dans la périphérique de Sao Paulo, où il a livré tant de combats.
C'est aussi là qu'il s'était retranché deux jours durant en avril 2018, protégé par une immense foule de sympathisants, avant de se livrer aux autorités et d'être conduit à Curitiba (sud).
- "Un pays polarisé" -
Loin de paraître affecté par ses 580 jours d'emprisonnement, bien au contraire, le chef charismatique de la gauche âgé de 74 ans était remonté à bloc, retrouvant ses accents de tribun devant une foule conquise, au milieu de drapeaux rouges, de statues et de portraits géants de lui.
Sortant de son silence samedi matin, Jair Bolsonaro avait demandé sur Twitter aux Brésiliens de "ne pas donner de munitions à la canaille" Lula, "qui est momentanément libre, mais chargé de culpabilité".
Cette première passe d'armes donne la tonalité du combat politique qui s'annonce, dans un pays menacé d'une polarisation encore plus grande après la libération de Lula.
Dès sa sortie de prison vendredi, le fondateur du Parti des Travailleurs (PT) avait annoncé, le poing levé devant ses partisans en liesse, vouloir parcourir le pays et "continuer à lutter pour le peuple brésilien".
Selon l'institut IBGE, quelque 13,5 millions de Brésiliens vivaient dans une extrême pauvreté en 2018, soit le chiffre le plus élevé en sept ans.
- "Cette folie dans le pays" -
Dans une vidéo postée sur Twitter samedi matin, Lula s'est dit "libre pour contribuer à libérer le Brésil de cette folie qui se déroule en ce moment dans le pays". "Il faut s'occuper de l'éducation, de l'emploi, des salaires, de la culture, du plaisir et de la joie", a-t-il expliqué.
Le taux d'approbation du gouvernement Bolsonaro est en chute libre dans les sondages depuis son entrée en fonction en janvier tandis que l'économie stagne toujours.
Le septuagénaire Lula s'est également efforcé de paraître assez vigoureux pour mener d'âpres combats: "Je suis un très jeune homme. J'ai l'énergie d'un trentenaire", a-t-il assuré.
Vendredi, celui qui s'apprête à épouser une femme 22 ans plus jeune que lui, était apparu dans une vidéo soulevant des haltères et courant sur un tapis dans sa prison.
Plusieurs milliers de manifestants ont protesté samedi à Sao Paulo contre l'arrêt de la Cour suprême qui a permis la libération de Lula.
"Je suis venu protester contre tous ces vols des politiques, et principalement de Lula, qui est un chef de bande. Avoir libéré cet homme est une aberration", a déclaré à l'AFP Edecio Antonio, un retraité de 77 ans.
Ce défilé se tenait dans plus de 70 villes à l'appel de l'organisation Vem Pra Rua (VPR), très active en 2016 dans les protestations qui ont conduit à la destitution de la présidente de gauche, Dilma Rousseff.
Aux cris de "Lula voleur", les manifestants ont défendu le ministre de la Justice, Sergio Moro. Il est représenté par ses partisans comme un symbole de la lutte contre la corruption dans le cadre de la campagne "Lavage express".
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