Au dernier jour d'une campagne souvent acrimonieuse, le Premier ministre canadien sortant Justin Trudeau et son rival conservateur Andrew Scheer ont brandi dimanche le spectre de l'indépendance du Québec pour convaincre les derniers indécis de voter pour eux et tenter d'éviter un gouvernement minoritaire, annoncé par les sondages.
Pour une fois d'accord sur un point, MM. Trudeau et Scheer ont pris pour cible le Bloc québécois, formation indépendantiste qui a fait une spectaculaire remontée dans les sondages. Le Bloc risque de priver libéraux et conservateurs de sièges qui pourraient leur manquer dans la province francophone, lors des législatives de lundi.
Après 40 jours d'affrontements, de polémiques et de promesses électorales, les chefs des deux grands partis qui briguent le pouvoir terminent la campagne à égalité dans les intentions de vote et le suspense demeure total sur les résultats du scrutin.
Avec ses 78 sièges sur les 338 de la Chambre des communes, le Québec constitue un enjeu de taille dans la bataille électorale. Et MM. Trudeau et Scheer, réagissant à une déclaration du chef du Bloc québécois, n'ont pas manqué l'occasion de brandir la menace d'une séparation du Québec pour tenter de freiner l'élan de la formation dans la "Belle Province".
Le chef du Bloc, Yves-François Blanchet qui s'était gardé de parler d'indépendance pendant la campagne, a estimé samedi que le Québec devra à nouveau songer "à se doter de tous les attributs de la souveraineté".
"Nous avons eu un rappel hier que la priorité du Bloc québécois est la séparation", a réagi le Premier ministre sortant, en campagne dans l'ouest du pays, accusant le Bloc de vouloir "diviser à nouveau le pays".
"A la onzième heure de la campagne (M. Blanchet) a admis que sa priorité après l'élection est de travailler à un nouveau référendum. Cela signifie qu'un vote pour le Bloc est un vote pour un référendum", a renchéri M. Scheer.
Le Québec s'est prononcé à deux reprises par référendum, en 1980 et 1995 sur une éventuelle séparation d'avec le Canada, qu'il n'a rejetée que de justesse la seconde fois.
Coïncidence ou pas, les chefs de quatre partis ont tous achevé dimanche leur campagne dans la province de Colombie-Britannique, qui inclut Vancouver, sur la côte Ouest. Outre MM. Trudeau et Scheer, Jagmeet Singh et la cheffe des Verts Elizabeth May participent à leurs ultimes rassemblements dans cette province où Verts et néo-démocrates menacent de prendre des sièges aux libéraux.
Libéraux et conservateurs pointent autour de 31 ou 32% selon les derniers sondages, des chiffres insuffisants pour leur permettre d'espérer une majorité absolue des 338 sièges que compte la Chambre des communes.
Un gouvernement minoritaire serait obligé de compter sur l'appui ponctuel de formations plus petites, comme le Nouveau parti démocratique (NPD, gauche) de Jagmeet Singh, troisième dans les sondages à près de 20%, ou les indépendantistes du Bloc québécois.
- "Masque de Justin Trudeau" -
"Nous avons besoin d'un gouvernement progressiste fort qui unira les Canadiens et lutte contre le changement climatique, a plaidé M. Trudeau, la voix enrouée, lors d'un meeting de campagne dans la banlieue de Vancouver.
Lors d'une réunion également à Vancouver, M. Scheer a une nouvelle fois soupçonné son adversaire de vouloir s'accrocher au pouvoir après le 21 octobre en négociant une coalition gouvernement avec le NPD, ce que les deux partis concernés ont formellement démenti.
"Le choix est clair", a-t-il expliqué à ses partisans. "Soit un gouvernement NDP portant un masque de Justin Trudeau, qui va augmenter les taxes, détruire des emplois, affaiblir notre économie et vous soutirer plus d'argent, soit un gouvernement conservateur majoritaire qui ne dépensera pas plus qu'il ne gagne et remettra de l'argent dans vos poches".
Le leader conservateur accuse M. Trudeau, élu en 2015 avec une large majorité, de vouloir se maintenir au pouvoir même s'il arrivait en seconde position en nombre de sièges lundi soir. Or selon lui, c'est au dirigeant du premier parti à la Chambre de diriger le gouvernement, une position contestée par tous les experts.
Ces derniers rappellent que, dans le système parlementaire canadien, il est possible pour un Premier ministre sortant de rester en place même s'il n'obtient pas la majorité des sièges, à condition de bénéficier du soutien d'une ou de plusieurs autres formations pour éviter d'être renversé par un vote de la Chambre.
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