Un mois après avoir abandonné sa maison réduite en ruines à Homs, Marwad Hamid, réfugié syrien, esquisse un sourire en apercevant un de ses fils jouer avec un petit camion, dans un décor apocalyptique à la frontière serbo-crate.
La très longue route, parsemée d'innombrables obstacles, qu'il a empruntée dans l'espoir de rejoindre la Suède pour y refaire sa vie avec son épouse et leurs six enfants, dont deux de trois ans et un bébé de trois mois, a été une rude épreuve.
A la porte de l'UE, à la frontière entre la Serbie et la Croatie, il découvre un vaste terrain agricole sur lequel se trouve le point de passage qui est devenu un champ boueux lorsque des milliers de migrants y ont été bloqués la semaine dernière sous la pluie.
Des dizaines de petites tentes aux couleurs vives, qui contrastent avec le gris d'un matin froid et brumeux, sont toujours dressées dans la boue.
"Elles sont vides maintenant, mais elles restent par précaution, si le passage venait de nouveau à être bloqué", dit Jan, un jeune humanitaire tchèque.
Des tonnes d'ordures jonchent le sol. Avant d'entrer en territoire croate, des migrants abandonnent des objets dont ils pensent ne plus avoir besoin. Des couvertures, des chaussures d'été, des poussettes, des bouteilles, etc. La colonne de migrants, plusieurs centaines en permanence, passent à travers une dizaine de grandes tentes militaires dressées sur la route pour les protéger de la pluie et d'un vent froid qui souffle fort par intermittence.
Marwad, qui était le patron d'une école de gestion, rasée tout comme sa maison dans un bombardement, n'a pas eu ces dernières semaines beaucoup de répit ni d'occasions d'observer ses enfants et de leur sourire.
"C'est très difficile de voyager ainsi avec une si grande famille. Mais si on était resté en Syrie, peut-être qu'on serait mort. Je dois penser à l'avenir de mes enfants, pas à mon propre avenir", dit M. Hamid, 46 ans, dont de grandes poches sous les yeux trahissent le manque de sommeil.
Lundi à l'aube, ils venaient de marcher quelque trois kilomètres, du village serbe de Berkasovo, où ils sont arrivés en autocar, à la frontière serbo-croate.
Ils font partie de ces milliers de migrants qui traversent les Balkans, en direction de l'Europe occidentale. Ces derniers jours, environ 10.000 passent quotidiennement par Berkasovo.
Les nuits froides dans les Balkans
Izzeldin, un Palestinien, la trentaine, qui dit avoir fait partie de la garde rapprochée du président palestinien Mahmoud Abbas, a fui avec son épouse qui est syrienne, et leurs deux enfants.
"La guerre dans son pays, de nouveaux conflits chez moi. On n'en pouvait plus. J'espère juste qu'on trouvera la paix. Nous sommes jeunes, on aime travailler", dit-il, marchant d'un pas rapide dans la nuit.
A l'approche de l'hiver, les nuits sont froides dans le nord des Balkans. La température descend déjà jusqu'à deux degrés. Beaucoup de gens n'y sont pas préparés. A défaut de vêtement chauds, beaucoup avancent enroulés dans des couvertures grises.
Lundi peu avant l'aube, ils sont accueillis par un groupe d'humanitaires bénévoles, la plupart d'entre eux venus des pays occidentaux, qui leur remettent des vivres.
"Nous allons de frontière en frontière et on s'active la nuit car, de jour, il y a des ONG qui sont présentes", raconte Jérôme Pelloussat, 43 ans, un ancien militaire français.
"Je suis père de famille et de voir autant d'enfants dans la rue, parce que 70% à 80% des familles sont avec des enfants, ce n'est pas possible ! Ce sont des gens qui étaient comme nous et il n'ont plus rien, ils ont tout perdu du jour au lendemain", lâche-t-il amère.
Marwad Hamid, quant à lui, a tout perdu, sauf sa famille et l'espoir.
"J'avais une belle vie. Maintenant, il ne nous reste rien. Quand la guerre s'arrêtera en Syrie, je vais rentrer, parce que toute ma famille, qui est une grande famille, vit en Syrie" dit-il.
Mais, il a pour l'instant un autre espoir : "J'espère que la Suède nous acceptera".
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