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Confronté au péril de la gauche latino-américaine, Cuba va devoir réagir

 
 

Revers électoraux, destitution de Dilma Rousseff au Brésil, crise institutionnelle au Venezuela: les déboires de la gauche latino-américaine inquiètent Cuba, contraint de naviguer en eaux troubles face à la déstabilisation de ses alliés privilégiés.

Pour Cuba, "le scénario politique dans la région est moins favorable (...) La rhétorique de l'appui au gouvernement cubain va faiblir", prédit Michael Shifter, président du groupe d'études américain Inter-American Dialogue.

A son arrivée au pouvoir en 1999, les bienfaits du Vénézuélien Hugo Chavez avaient permis à l'île de tourner la page de la crise consécutive à la chute du grand frère soviétique 10 ans plus tôt.

Dans la foulée, des gouvernements "amis" de gauche se sont installés dans de nombreux pays, dont l'Argentine, le Brésil, la Bolivie ou l'Equateur. Mais la mort de Hugo Chavez en 2013 fut le point de départ d'un virage politique continental devenu criant ces derniers mois.

Le Venezuela s'enfonce dans une crise qui fait vaciller le socialiste Nicolas Maduro, la droite brésilienne a obtenu le départ de Dilma Rousseff, l'Argentine Cristina Kirchner est partie, et l'Equateur se prépare au départ de Rafael Correa, prévu début 2017.

Ces désagréments politiques s'accompagnent en outre d'une chute des cours des matières premières privant ces pays d'une manne vitale, avec des répercussions à craindre pour Cuba.

"La crise économique au Brésil et plus particulièrement au Venezuela" pourrait même être "bien pire pour Cuba" que la perte de ses alliés politiques, explique M. Shifter.

Car si Cuba a timidement entamé une indispensable mue économique avec Raul Castro, le pays communiste demeure très dépendant des largesses de ses partenaires.

En plus de constituer le principal associé commercial de l'île, avec des échanges estimés en 2014 à 7,2 milliards de dollars, le Venezuela fournit quotidiennement à Cuba 95.000 barils de pétrole à des conditions de paiement et tarifs très avantageux.

"Il n'existe pas d'autre pays avec lequel (Cuba) entretient de bonnes relations politiques (...) capable de fournir à Cuba du pétrole à de telles conditions", explique à l'AFP l'expert cubain Jorge Piñon, de l'Université de Texas, à Austin.

Si Cuba se voyait privé de ces conditions favorables, "l'impact négatif représenterait approximativement 1,3 milliard de dollars annuels", poursuit M. Piñon.

- La bouée américaine ? -

De son côté, le Brésil est l'un des principaux fournisseurs d'aliments de Cuba, à qui il accorde des facilités de paiement, et l'administration Rousseff a consenti de gros investissements sur l'île en matière d'infrastructures.

A eux deux, Brésil et Venezuela règlent aussi une bonne partie des 12 milliards de dollars de services médicaux étrangers fournis par l'île, qui constituent aujourd'hui sa principale source de devises.

Mais "cela coûte beaucoup au Venezuela et au Brésil, qui pourraient être obligés d'envisager des solutions moins coûteuses pour compenser leurs carences en matière de santé", observe Paul Webster Hare, professeur de relations internationales à l'Université de Boston, aux Etats-Unis.

Interrogé par l'AFP sur le futur des relations Cuba-Brésil, un fonctionnaire du gouvernement du nouveau président Michel Temer a assuré qu'il n'était pas question pour l'heure de réviser la relation commerciale avec Cuba.

"Nous avons des intérêts dans ce pays et eux ont des intérêts ici", a-t-il brièvement résumé.

Reste que pour Jorge Duany, du "Cuban Research Institute" de l'université de Floride, la nouvelle donne continentale va contraindre Cuba à "réorienter ses relations diplomatiques en Amérique latine".

Certains voient même dans le dégel engagé voici 17 mois avec les Etats-Unis l'opportunité d'un nouveau partenariat profitable pour Cuba.

"Il est possible d'interpréter en partie le rapprochement diplomatique du gouvernement de Raul Castro avec les Etats-Unis comme une réponse préventive à la détérioration économique et politique du Venezuela", analyse M. Duany.

M. Shifter juge quand à lui "raisonnable d'espérer que les importations cubaines en provenance des Etats-Unis continuent à croître, particulièrement si les restrictions se réduisent, et si l'embargo (imposé à l'île depuis 1962, ndlr) est enfin levé" par le Congrès américain.

En attendant, Cuba soigne ses relations avec d'autres partenaires.

La Havane a soldé fin 2015 ses comptes avec les créanciers du Club de Paris, et, en mars dernier, l'île a conclu un accord de dialogue politique et de coopération avec l'Union européenne.


 

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