La décision des pays arabes du Golfe de reporter des dizaines d'événements dans le cadre des mesures de précaution contre le nouveau coronavirus minent des économies déjà ébranlées par la chute des prix du pétrole.
De l'Arabie saoudite aux Emirats arabes unis --dont l'économie est la plus diversifiée--, des tournois sportifs, des forums économiques et même des événements religieux ont été sacrifiés afin de tenter d'enrayer la propagation de la maladie.
L'une des mesures les plus spectaculaires a été annoncée mercredi avec la décision de Ryad de suspendre la Omra, le petit pèlerinage musulman à La Mecque et Médine --qui peut être accompli toute l'année--, y compris pour ses propres ressortissants.
A ce jour, plus de 150 cas de nouveau coronavirus ont été détectés dans cette péninsule qui comprend le Bahreïn, le Koweït, Oman, le Qatar, l'Arabie saoudite et les Emirats, principalement chez des personnes revenant de pèlerinages en Iran.
Et les dernières mesures s'ajoutent à une situation déjà délicate: les pays du Golfe doivent faire face à une chute accrue des revenus pétroliers, le Covid-19 ayant lourdement touché la Chine, le plus important importateur d'or noir au monde.
En Arabie saoudite, outre la suspension de la Omra, les organisateurs du Festival international du film de la mer Rouge, prévu à partir du 12 mars à Jeddah (ouest), ont annoncé son report sine die, invoquant des "mesures préventives de précaution".
- Croissance en berne -
Le très animé émirat de Dubaï, connu pour accueillir des centaines d’événements en tout genre chaque année, a lui supprimé l'exposition internationale Art Dubaï, ou encore un salon nautique international.
"Nous avions prévu d'organiser un événement de relations publiques pour une marque de bijoux pendant +Art Dubaï+, et d'accueillir une rencontre en marge du festival du film saoudien", a déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat un homme d'affaires français qui dirige une jeune entreprise de relations publiques dans l'émirat.
Un certain nombre d'événements sportifs --activité en pleine expansion dans le Golfe-- ont aussi été reportés voire annulés: il en est ainsi des deux dernières étapes du Tour des Emirats après que deux membres d'une équipe italienne ont été diagnostiqués porteurs du virus. Six autres infections connexes ont suivi.
En conséquence, la société Capital Economics, basée à Londres, a déclaré que la propagation du nouveau coronavirus l'avait incitée à revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour le Moyen-Orient en 2020, entre 0,5 et 2%.
"Les Emirats sont l'économie la plus vulnérable et les retombées risquent d'enflammer les inquiétudes sur l'endettement de Dubaï" en particulier, a-t-elle déclaré dans un rapport.
Selon Capital Economics, si la crise du Covid-19 s'éternise, elle pourrait affecter l'exposition universelle 2020 de Dubaï, un méga-événement conçu pour attirer environ 25 millions de visiteurs à partir d'octobre.
- "Congés sans solde" -
L'affaire est d'autant plus sérieuse pour les économies du Golfe que les gouvernements de la région luttaient déjà pour surmonter la chute des prix du brut depuis 2014, qui a creusé les déficits.
Avec la nouvelle baisse --de 70 dollars le baril en janvier à environ 50--, les six Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) devraient perdre quelque 40 milliards de dollars de revenus pétroliers cette année, d'après Capital Economics.
Pour tenter de soutenir les prix, l'Opep et ses alliés devraient convenir de réductions supplémentaires de la production lors de leur réunion de jeudi à Vienne, ce qui n'empêcherait pas la poursuite d'une baisse des revenus dont ils ont tant besoin.
Dernier ombre au tableau, les mesures prises pour contenir le virus ont aussi porté préjudice aux secteurs du tourisme, de l'aviation et du commerce de détail.
Les principales compagnies aériennes des Emirats, Emirates et Etihad, ont demandé à leur personnel de prendre des congés sans solde pour réduire la voilure.
"Face à la pandémie, alors que les communautés et les entreprises continuent de se verrouiller, les chaînes d'approvisionnement seront perturbées, (...) et les dépenses des consommateurs affectées", souligne M.R. Raghu, du Kuwait Financial Center (Markaz).
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