Sur l'île grecque de Lesbos, le travail des ONG se complique de plus en plus. Certaines disent devoir suspendre leurs activités, elles sont la cible de menaces suite à l'arrivée en masse de centaines de migrants depuis la Turquie qui a ouvert ses frontières.
Au milieu des tensions entre milices et ONG, il y les migrants et les habitants de Lesbos également. Andreas est un riverain de l'île, il a déjà été pris à partie : "environ 30 personnes ont entouré ma voiture pour m'intimider, me menacer hier, témoigne-t-il. Ils m'ont demandé pourquoi je voulais rentrer dans le village, si j'habitais là, si je travaillais pour une organisation humanitaire. La police est là, à quelques mètres et elle laisse faire. Depuis que je suis ici, je n'ai jamais vu quelque chose comme ça".
Sur le port de Mytilène, du linge sèche à côté d'une baraque installée à la hâte pour des migrants fraîchement débarqués sur l'île grecque de Lesbos depuis que la Turquie a ouvert les portes de l'Europe, provoquant la colère de la population locale. "Les seules personnes qu’on voit ce sont des réfugiés", confie, las, Giannis Palassis, un retraité de 76 ans rencontré dans les rues escarpées de Mytilène, en ce lundi férié en Grèce. Selon lui, Mytilène ne peut pas se convertir en "refuge" pour tous.
Ce sont des êtres humains eux aussi, mais l’île n'en peut plus. On souffre.
Depuis la décision d'Ankara d’ouvrir ses frontières aux exilés en route pour l’Europe, quelque 1.300 migrants sont arrivés en 24 heures sur les cinq îles de la mer Egée, et en particulier à Lesbos, où la grande majorité des embarcations de fortune ont échoué.
Contexte de fortes tensions
Dans un contexte déjà particulièrement tendu ces dernières semaines, où les habitants de l'île s’opposent à la construction de nouveaux camps de rétention fermés sur leurs îles, ces nouvelles arrivées ont suscité une explosion de colère dimanche. Des groupes d'habitants ont violemment repoussé un canot chargé de migrants, l'empêchant d'accoster au port de Thermi aux cris de "rentrez en Turquie". Avant de s’en prendre à des membres d’ONG et à plusieurs journalistes.
Sur le macadam du port, 300 réfugiés campent lundi, faute de place dans le camp de réfugiés de Moria, qui déborde avec ses 19.000 demandeurs d'asile pour 2.800 places. "Nous cherchons un endroit pour dormir, pour le moment nous sommes dehors pendant la nuit et les enfants ont froid", a confié à l'AFP l'Afghan Ahlan Khali, 21 ans, venu avec la famille de sa soeur.
D'autres ont passé la nuit, sans couvertures, sur la plage de Skala Sykamineas, dans le nord-est de l'île, a constaté un photographe de l'AFP.
Moria a été le théâtre d'affrontements entre policiers et demandeurs d'asile dont plusieurs centaines ont manifesté pour dénoncer leurs conditions de vie dans ce camp, l'un des plus surpeuplés d'Europe. Entre les oliviers qui bordent les chaussées de la ville, des blocs de pierre et des morceaux de bois jonchent le sol, vestiges des affrontements entre migrants et forces de l’ordre.
"Jamais vu ça"
Barrages filtrants, routes coupées, voitures vandalisées: les habitants de l'île continuent de protester contre cette nouvelle vague migratoire. "Je n’ai jamais vu ça", confie Efi Latsoudi, qui travaille dans le camp d’accueil pour réfugiés PIKPA. "J’ai été menacée, on m’a forcé à partir sous les yeux de la police", s’indigne-t-elle, précisant que des groupes d’insulaires menacent quiconque entend s’approcher des plages pour venir en aide aux migrants débarquant sur les côtes.
Deux voitures appartenant au camp d’accueil ont été vandalisées, ajoute-t-elle, et un centre d'accueil inoccupé des migrants a été partiellement incendié dimanche par des groupes d'habitants furieux. "La situation reste très confuse", estime Gianluca Rocco, chef de mission en Grèce pour l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). "Les traversées sont de plus en plus risquées et on ne peut pas augmenter les capacités d’accueil sur les îles", avertit-il.
Un enfant est mort lundi matin dans le naufrage d'une embarcation au large de Lesbos, selon la police portuaire.
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