Fête des parents, "fête des gens que j'aime"... Dans certaines écoles la fête des pères, qui a lieu dimanche, comme celle des mères célébrée fin mai, sont remplacées par des formulations plus inclusives, souvent à la demande des familles homoparentales.
Institutrice en couple avec une femme, Mélanie (prénom modifié) prépare avec ses élèves un cadeau qui est distribué pour une "fête des parents" qu'elle fixe entre la fête des mères et celle des pères.
"Je colle un mot dans le carnet: +par respect pour la diversité des familles, j'ai fait le choix de faire la fête des parents+", explique cette institutrice d'une classe REP à Paris.
"Que ma fille fasse deux cartes pour la fête des mères et aucune pour la fête des pères, je trouve ça stigmatisant", dit-elle.
Selon les associations de familles homoparentales, le sujet préoccupe leurs adhérents.
"Ceux qui ont réussi à faire accepter par l'école une +fête des parents+ expliquent aux autres comment ils ont fait, en général en parlant avec l'instituteur ou la direction de l'école", explique Nicolas Fanget, porte-parole de l'Association des parents gays et lesbiens.
"On n'en fait pas une revendication politique, à la différence des mots +mère+ et +père+ que l'on veut voir disparaître des formulaires officiels, remplacés par le mot +parent+", précise-t-il.
Le phénomène est difficile à quantifier : ces fêtes traditionnelles ne relèvent pas d'une "instruction ministérielle" mais "de la liberté pédagogique des enseignants", indique le ministère de l'Education nationale.
"Dans certaines écoles, l'équipe pédagogique peut décider que ces événements ne soient plus l'occasion d'un travail en classe ou de les nommer différemment en raison de l'évolution sociale de la structure familiale et de situations particulières portées à leur connaissance", indique-t-on.
"C'est une demande très portée par les familles homoparentales. Dans la société d'aujourd'hui, c'est le fait d'être parent qui doit être mis en avant plutôt que d'être père ou mère", estime Céline Cester, présidente de l'association "Enfants de l'arc-en-ciel", mariée avec une femme et mère de deux enfants.
Par quoi les remplacer? "Une année j’ai tenté +la fête des gens qu'on aime+ et cela a été un gros fiasco. Les enfants ne comprenaient pas le concept: pour eux c'était la grand-mère, le cousin, les copains d'école, le chat... Ils voulaient faire dix cartes", explique Mélanie.
"Les parents ne se réduisent pas à des gens qu'on aime", met en garde le psychiatre Pierre Levy-Soussan.
"Cette évolution est dans la ligne logique de l'effacement de la spécificité de ce qu'est un père et une mère pour l'enfant, après la résidence alternée à part égale entre père et mère et l'adoption pour tous", observe-t-il.
"Or les différences sont importantes car structurantes. Effacer les places ajoute de la confusion chez tous les enfants, occasionnant un flou des repères, des liens, des identités, y compris la sienne", selon lui.
- "C'est comme Noël" -
"Nous, on propose souvent +fête des mères ou des parents ou des gens qu'on aime+. On ne veut pas enlever ce qui existe et on vient le compléter", indique Alexandre Urwicz, président de l'Association des familles homoparentales.
Du côté des associations de parents d'élèves, comme la FCPE (public) ou l'Apel (privé), il y a peu de remontées.
Ces fêtes des mères et des pères sont "une tradition largement répandue, un prétexte pour une activité qui rassemble", estime le vice-président de la Peep, Laurent Zameczkowski.
La fête peut même disparaître: il évoque un instituteur qui préparait la fête des mamans et s'est trouvé devant un enfant éclatant en sanglots car il avait perdu sa mère la veille. Si cela a permis à l'enfant de manifester son émotion, l'enseignant désemparé a préféré ne plus proposer l'activité. "Quand on rencontre des difficultés, on préfère botter en touche".
"C'est comme Noël, qui est sujet à polémiques. Les activités autour de Noël ont largement disparu dans les écoles", observe le dirigeant de la Peep.
Pour Mélanie, la fête des parents est "un levier" pour parler à ses élèves de CP des couples de femmes ou d'hommes.
"Les parents de la classe sont dans le schéma classique, on n'a pas de famille homoparentale dans l'école. C’est la première fois qu'ils entendaient parler de cela. C'est une première graine de plantée", explique Mélanie.
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