Le groupe Etat islamique (EI) a subi une série d'importantes défaites ces derniers mois en Syrie et en Irak, la plus récente à Ramadi, mais cette organisation jihadiste est encore loin d'être vaincue, estiment des experts.
L'EI avait pris en mai le contrôle de Ramadi, chef-lieu de la vaste province sunnite d'Al-Anbar, dans l'ouest de l'Irak, infligeant une cinglante défaite à l'armée irakienne.
Les jihadistes avaient également conquis Palmyre, cité antique syrienne mondialement connue, prouvant leur capacité à étendre leur "califat" autoproclamé entre l'Irak et la Syrie.
Mais les jihadistes ont récemment cédé du terrain. En Irak, ils ont perdu les villes de Baiji, Sinjar et, dimanche, Ramadi. Et en Syrie, l'EI a perdu fin décembre le contrôle du barrage de Tichrine (nord) face à une coalition militaire arabo-kurde qui l'a ainsi privé d'une source de revenus stratégique.
"Pour l'EI qui se revendique comme un Etat, contrôler des centre-villes et des infrastructures clés est important mais (les récentes) défaites entament la crédibilité de cette revendication", estime Firas Abi Ali, analyste à l'IHS Jane's, institut spécialisé dans les questions de défense et basé à Londres.
Mais la reconquête de Ramadi par les forces irakiennes est davantage une victoire symbolique, tempèrent des experts, même si elle a été menée par les seules forces fédérales, sans l'implication de milices chiites qui avaient jusqu'à présent joué un rôle central dans la guerre contre l'EI.
"L'EI est toujours capable de lancer des attaques à travers l'Irak sans Ramadi, une ville plus importante pour les forces de sécurité irakiennes que pour l'EI", estime Patrick Martin, analyste à l'Institute for the Study of War basé à Washington.
Les jihadistes ont réussi à évacuer un grand nombre de véhicules et d'armes avant la bataille de Ramadi, a indiqué à l'AFP un haut gradé irakien.
- 'En crise' -
Gagner des batailles, même si elles sont d'un intérêt stratégique mineur, demeure cependant important pour le moral des troupes qui luttent contre l'EI, souligne Patrick Skinner du cabinet de consultants Soufan Group spécialisé dans le renseignement.
Selon lui, le dernier message audio du chef autoproclamé de l'EI Abou Bakr al-Baghdadi la semaine dernière était "moins triomphant" que les précédents.
Même constat pour M. Abi Ali qui voit dans les menaces proférées contre Israël "le signe que l'Etat islamique est en crise".
"La popularité de la rhétorique antisioniste dans la région pousse les dictateurs à penser qu'elle est une garantie de soutien des foules. Ils l'utilisent pour détourner (leur population) des autres problèmes", analyse-t-il.
La coalition antijihadistes menée par Washington a en outre annoncé mardi que ses frappes aériennes avaient tué en décembre une dizaine de membres de l'EI présentés comme importants, dont un Français qui serait directement lié à l'instigateur des attentats meurtriers de Paris.
- 'Trop tôt' -
Au delà de la comptabilisation des points gagnés ou perdus par chacune des parties, de nombreux experts se sont penchés sur la nouvelle équation militaire qui a conduit aux récentes victoires contre l'EI.
A Sinjar, des factions rivales kurdes, appuyées par les frappes de la coalition internationale anti-EI conduite par les Etats-Unis, ont bouté les jihadistes hors de la ville.
Dans le nord de la Syrie, ce sont aussi des combattants kurdes, qui ont été les fers de lance de la lutte contre l'EI.
Et à Ramadi, ce sont les forces fédérales qui ont opéré avec le soutien aérien de la coalition, sans l'aide de groupes paramilitaires chiites.
"Le fait de restaurer la capacité des forces irakiennes est très important et pourrait devenir un modèle pour les offensives à venir", souligne M. Abi Ali.
"La reprise méthodique de Ramadi, avec la couverture aérienne de la coalition limitant les mouvements de l'EI (...) dans les quartiers urbains, a prouvé son efficacité. Une méthode qui pourrait à nouveau être utilisée à Fallouja", bastion jihadiste situé entre Ramadi et Bagdad, analyse M. Skinner.
Le Premier ministre Haider Al-Abadi s'est engagé lundi à libérer son pays de l'EI en 2016. Il a promis que le "coup fatal" pour les jihadistes sera la libération de Mossoul (nord), aux mains de l'EI depuis juin 2014, sans dire si la deuxième ville irakienne sera le prochain objectif des forces irakiennes.
Pour M. Abi Ali, les forces kurdes syriennes rencontreront plus de difficultés dans leur avancée vers Raqa, capitale de facto des jihadistes en Syrie.
Si les défaites se multiplient en Syrie et en Irak, l'EI pourrait voir dans la Libye une terre de repli. L'organisation y contrôle déjà la ville de Syrte, à 450 km à l'est de Tripoli.
De plus, rappelle M. Abi Ali, "les idéologies du jihad et de l'islam politique se portent bien. Il est trop tôt pour annoncer la mort de l'Etat islamique (...)".
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