Donald Trump est sous la menace d'une exceptionnelle procédure de destitution parce qu'il a demandé à l'Ukraine d'enquêter sur un de ses rivaux. Il jure n'avoir exercé "aucune pression" sur Kiev, mais l'opposition démocrate a recueilli de nombreux témoignages qui affaiblissent sa défense.
- Les accusations
Lors d'un appel téléphonique au coeur de l'été, le président américain a demandé à son homologue ukrainien "de se pencher" sur l'ancien vice-président démocrate Joe Biden, dont le fils a longtemps fait des affaires en Ukraine.
Le milliardaire républicain assure avoir été dans son bon droit, jugeant légitime de vouloir débusquer la corruption dans un pays bénéficiant d'aides américaines.
Son opposition démocrate est, au contraire, convaincue qu'il s'est rendu coupable d'un "abus de pouvoir" en demandant de l'aide à une puissance étrangère à des fins personnelles, puisque Joe Biden pourrait l'affronter lors de la présidentielle de 2020.
Elle le soupçonne d'avoir utilisé l'appareil d'Etat pour faire pression sur Kiev à l'aide de deux leviers: le gel d'une aide militaire de 400 millions de dollars et la promesse d'une invitation à la Maison Blanche pour le président Volodymyr Zelensky.
Lui nie toute pression et se dit victime d'une "chasse aux sorcières de caniveau".
- Le début de l'affaire
L'appel téléphonique entre MM. Trump et Zelensky a alarmé plusieurs responsables à la Maison Blanche et au sein des services de renseignement, qui ont fait part de leurs inquiétudes à un agent de la CIA.
Celui-ci a décidé d'activer le mécanisme de protection des lanceurs d'alerte pour informer le Congrès de la teneur de cette conversation. Malgré des obstacles dressés par l'exécutif, son signalement est parvenu aux oreilles des élus à la mi-septembre.
Face aux fuites dans la presse, la Maison Blanche a alors publié une transcription de l'appel: M. Trump y demande clairement à son homologue d'enquêter sur Joe Biden.
Dans la foulée, la lettre du lanceur d'alerte a été rendue publique. Elle montre que l'échange téléphonique n'a pas été conservé selon les procédures habituelles, signe d'une nervosité à la Maison Blanche.
- Le défilé des témoins
La Chambre des représentants, aux mains des démocrates, commence alors à enquêter et, en six semaines, entend une douzaine de témoins à huis clos.
Lors de leurs auditions - dont les compte-rendus ont été publiés récemment -, ces hauts responsables décrivent les efforts déployés pendant plusieurs mois par des proches du président pour convaincre Kiev de fournir des informations compromettantes sur Joe Biden, en marge des canaux officiels de la diplomatie américaine.
Deux semaines avant l'appel litigieux, l'un d'eux avait fait savoir aux Ukrainiens que le président Zelensky serait invité à la Maison Blanche quand il aurait ouvert les investigations sur les Biden, ont notamment rapporté deux responsables du Conseil de sécurité nationale qui ont assisté à la scène.
Au détour d'une conférence de presse, Mick Mulvaney, le directeur de cabinet de Donald Trump, a pour sa part reconnu que l'aide militaire à l'Ukraine avait été gelée à la demande du président et liée à des considérations de politiques américaines. Il a ensuite rétropédalé.
Mais un échange par SMS, début septembre, entre le chargé d'affaires américain à Kiev Bill Taylor et l'ambassadeur auprès de l'UE Gordon Sondland, conforte les doutes. Je "trouve ça dingue de suspendre l'aide sécuritaire en échange d'un coup de main pour une campagne politique", dénonce Bill Taylor. Réponse de Gordon Sondland: "Le président a été très clair, pas de contrepartie, d'aucune sorte".
- Entrave
La Maison Blanche a ordonné aux membres de l'administration de ne pas coopérer à l'enquête de la Chambre, dénonçant une procédure "inconstitutionnelle".
Plusieurs hauts responsables, dont Mick Mulvaney, ont donc refusé de répondre aux injonctions du Congrès, ce qui pourrait alimenter un autre chef d'accusation pour "entrave au travail du Congrès".
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