Assis à table pour son petit-déjeuner, Haji Mustafa Herawi a entendu les tirs qui ont tué sa sœur et une autre juge afghane, nouvelles victimes d'une série d'assassinats ciblés qui touchent depuis quelques mois des figures de la société civile afghane.
Dimanche, des hommes au volant d'une moto ont tué par balles Zakia Herawi à Kaboul, alors qu'elle montait dans la voiture qui devait la conduire à la Cour suprême.
"Les talibans ont assassiné ma sœur", a déclaré le frère de Mme Herawi à l'AFP.
"Nous étions en train de prendre notre petit-déjeuner quand nous avons entendu des coups de feu. Mes enfants se sont mis à crier", a-t-il raconté lundi dans sa maison.
"D'abord, le chauffeur a reçu une balle dans l'épaule, puis ma sœur en a reçu une dans le front", a-t-il ajouté.
Qadria, une autre femme juge, déjà dans la voiture, a également été tuée.
La peur a envahi la capitale qui fait face depuis quelques mois à une série d'assassinats de personnalités, tuées par balle ou dans des explosions.
Les cibles incluent des membres des médias, hommes politiques, défenseurs des droits humains, docteurs et mollahs. Mais Haji Mustafa Herawi ne s'attendait pas à ce que sa sœur fasse partie des victimes.
"Nous n'avions de problème avec personne (...) Nous n'avions reçu aucune menace", a-t-il expliqué.
Le meurtre n'a pas été revendiqué mais des responsables afghans et américains ont accusé les talibans.
M. Herawi est lui aussi certain que les insurgés sont les coupables, mais il est également en colère avec les autorités.
"Le gouvernement a totalement échoué à protéger son peuple. Où est la sécurité ?" s'est-il indigné.
La juge Herawi, 47 ans, a commencé à travailler pour la cour Suprême en 1992. Elle a dû s'arrêter temporairement lorsqu'elle a fui au Pakistan pendant le régime taliban, de 1996 à 2001.
En 2002, elle est revenue à Kaboul peu après la chute du régime islamiste brutal des talibans, renversé par l'intervention américaine suite aux attentats du 11-Septembre.
Elle n'est pas la seule membre de la famille tuée par la guerre: son père a été tué par une roquette lancée par les hommes de l'ancien seigneur de guerre Gulbuddin Hekmatyar dans les années 90.
Mme Herawi était parmi plus de 200 femmes juges travaillant à la Cour Suprême.
La vague d'assassinats ciblés qui ravage le pays a débuté peu après l'ouverture de pourparlers de paix entre les talibans et le gouvernement afghan en septembre.
Des dizaines de journalistes et activistes ont quitté Kaboul pour se réfugier dans les campagnes ou à l'étranger après avoir reçu des menaces.
"La sécurité n'existe pas à Kaboul. Si tu es en vie, c'est juste une coïncidence", a déploré Farman Wesal, un habitant de Kaboul qui, lui aussi, envisage de quitter le pays.
"Nous ne savons pas où aller (...) Si la situation continue comme ça, nous serons forcés de fuir", a-t-il ajouté.
Selon le vice-président afghan Amrullah Saleh, infatigable pourfendeur des talibans chargé d'améliorer la sécurité à Kaboul, les assassinats ciblés ont augmenté car les insurgés pensent qu'ils seront graciés s'ils se font arrêter, suite à l'échange de milliers de prisonniers des deux camps l'an dernier.
"La solution est de pendre ceux qui sont arrêtés", a-t-il écrit lundi sur Facebook.
Trois explosions ont secoué Kaboul lundi, tuant une personne et en blessant une autre, ont indiqué des responsables.
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