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Dix ans après le naufrage d'un ferry surchargé en Corée du Sud, un "échec" toujours indélébile

 
 

Il y a dix ans, un ferry sud-coréen surchargé chavirait au large du pays, avant de sombrer. Des centaines de lycéens en sortie scolaire ont péri dans cette tragédie, obéissant à l'ordre de rester dans leurs cabines pendant que le capitaine quittait le navire.

Le naufrage du ferry Sewol, qui reliait le port d'Incheon près de Séoul à l'île méridionale de Jeju, avait fait 304 morts le 16 avril 2014, dont 250 lycéens d'un même établissement.

L'accident et le fiasco des opérations de sauvetage avaient provoqué un traumatisme national et une gigantesque vague de colère en Corée du Sud. L'équipage du Sewol, qualifié d'"incompétent", avait été jeté en prison, et le capitaine condamné à la perpétuité. La présidente d'alors, Park Geun-hye, avait été destituée pour, entre autres, sa gestion désastreuse de la catastrophe.

Une décennie après le drame, le souvenir reste vif pour les familles des victimes.

- "C'est encore plus douloureux aujourd'hui" -

La fille de Park Jeong-hwa, Cho Eun-jung, 16 ans, rêvait de devenir pharmacienne et adorait les événements de famille.

"Eun-hung se souvenait toujours de mon anniversaire et préparait un gâteau avec des bougies", relate Mme Park à l'AFP.

"Depuis qu'elle nous a quittés, nous ne fêtons plus nos anniversaires ou les autres occasions spéciales parce qu'ils ravivent trop ces souvenirs".

Autour d'elle, on lui dit de passer à autre chose.

"Je pensais que j'en serais capable, de me dire que peut-être, après dix ans, la douleur serait un peu moins forte. Mais au lieu de ça, c'est encore plus douloureux aujourd'hui. Je veux tellement entendre sa voix, pour ne pas oublier. Il y a ce désir, et le vide".

- "Une vie très courte" -

La cadette de Kim Jong-gi, Kim Soo-jin, est décédée à seulement 18 ans.

"Le désastre du ferry de Sewol a pris sa vie d'une manière si brutale. Je suis tellement désolé qu'elle n'ait pu vivre qu'une vie très courte", dit M. Kim à l'AFP.

Une décennie plus tard, il regarde avec "envie" les autres jeunes gens pour qui la vie a suivi son cours.

"Je me souviens d'elle petite, mais je continue aussi de l'imaginer devenue adulte, en train de réaliser ses rêves".

M. Kim a adressé ses ultimes mots à sa fille avant qu'elle n'embarque à bord du ferry, avec ses camarades.

"Nous sommes arrivés à l'école, je lui ai donné son sac et dit au revoir, en lui souhaitant un bon voyage. C'était la dernière fois".

- Mémoire honorée par une amie -

La fille de Kim Soon-gil, Jin Yun-hee, voulait elle devenir comptable. Pour aider financièrement sa famille.

Comme un hommage, une amie proche qui se trouvait également sur le bateau naufragé travaille maintenant pour un cabinet de comptables, raconte Mme Kim.

"Je venais toujours la chercher à l'école", se souvient la mère endeuillée auprès de l'AFP.

"Sur le chemin du retour, j'avais l'habitude de lui dire: +laisse-moi porter ton lourd cartable+, mais ma fille insistait pour le porter jusqu'à la maison".

- Irresponsabilité -

Des éléments-clés de cette tragédie restent inconnus des familles des victimes, en dépit des enquêtes officielles, a affirmé Kim Jong-gi -le père d'une des victimes- lors d'une conférence de presse à Séoul.

"Même la cause du naufrage n'a pas été clairement dévoilée", a-t-il déploré. Selon lui, trop de personnes impliquées dans le fiasco des opérations de sauvetage, à tous les niveaux, n'ont pas été tenues responsables.

"Ce qui nous inquiète, c'est que le désastre du ferry de Sewol soit balayé avant même que toutes les vérités ne soient révélées au grand jour".

"Le pays a échoué à tenir ses responsabilités et a négligé les recherches, tout comme le sauvetage. Il a dissimulé la vérité et s'est concentré uniquement sur la surveillance et le contrôle des victimes".

- Itaewon -

Nombre de familles de victimes font le parallèle avec la bousculade mortelle de Halloween à Itaewon, survenue le 29 octobre 2022.

Plus de 150 personnes, la plupart des jeunes venus faire la fête dans ce quartier animé de Séoul, sont mortes ce soir-là.

Pour Lee Tae-ho, un activiste qui préside la Coalition du 16 avril sur le désastre du ferry Sewol, la gestion de ces deux accidents par l'Etat a cruellement laissé à désirer.

L'administration du président Yoon Suk Yeol "n'a pas du tout coopéré pour révéler la vérité sur ces désastres", a-t-il déploré.

Quantité de Sud-coréens considèrent que les drames du ferry de Sewol et d'Itaewon sont des "fautes commises par l'Etat", affirme le pasteur Park Seung-ryul, de la Coalition du 16 avril.

"Les exigences des citoyens sont claires. Le gouvernement doit reconnaître ses erreurs et demander pardon".


 

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