Zabiba Mohammed rêvait de rejoindre les pays du Golfe. Mais coincée au Yémen en guerre, elle tente désormais de survivre, comme des milliers d'autres migrants éthiopiens vivant dans des conditions misérables dans un camp à Aden, ville portuaire du sud du pays.
"Il y a des rats, des serpents et d'autres animaux ici. On ne dort pas la nuit", raconte-t-elle à l'AFP dans un arabe approximatif.
Dans ce camp où il n'y a ni eau courante ni installations sanitaires, la situation humanitaire est catastrophique.
L'Ethiopienne de 34 ans est arrivée l'an passé à Aden après avoir été chassée par les rebelles Houthis de la capitale Sanaa, où elle travaillait comme femme de ménage.
Elle raconte y avoir laissé ses deux enfants avec des voisins yéménites. Aujourd'hui, elle fait appel à la charité pour se nourrir.
"Nous ne mangeons que si des Yéménites nous aident ou quand des restaurants nous donnent les restes", se désole-t-elle en montrant sa carte délivrée par l'Agence des Nations Unis pour les réfugiés (HCR) attestant de son statut. "Nous n'avons pas de vie ici. Nous sommes entre la vie et la mort", insiste-t-elle.
- "Saleté et misère" -
L'organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que près de 190.000 migrants - en majorité originaires de Somalie et d'Ethiopie - ont besoin d'aide humanitaire au Yémen. Selon l'OIM, "des dizaines de milliers d'entre eux sont bloqués dans le pays, incapables d'aller plus loin ni de retourner dans leur pays".
Le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale est confronté à un effondrement de l'économie et une déliquescence des infrastructures depuis le début de la guerre contre les insurgés Houthis en 2014.
En plus de sept ans de guerre, le conflit entre les rebelles et les forces loyalistes, appuyées par une coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite, a provoqué l'une des pires tragédies humanitaires au monde.
Selon l'ONU, près de 380.000 personnes ont perdu la vie, en majorité à cause des conséquences indirectes des combats. Des millions ont été déplacées et plus des trois quarts d'une population au bord de la famine dépendent de l'aide internationale.
Malgré la guerre, le Yémen reste une plaque tournante pour les migrants fuyant la corne de l'Afrique dans l'espoir de rejoindre l'Arabie saoudite voisine ou d'autres riches pays du Golfe.
En janvier, près de 6.000 migrants, dont 85% d'Ethiopiens, sont arrivés au Yémen.
Comme Zabiba Mohammed, des centaines d'Ethiopiens de l'éthnie oromo soit coincés dans ce camp à Aden.
Parmi eux, Bezea Tidros Ibr ne se fait plus d'illusions. "Nous sommes des étrangers dans ce pays. Ni les autorités de Sanaa ni celles d'ici ne veulent de nous", dit-elle.
"Nous vivons depuis un an dans la saleté et la misère. Même des animaux ne voudraient pas vivre ici", ajoute-elle.
Et retourner dans son pays est hors de question: la guerre ravage aussi l'Ethiopie, où les forces progouvernementales affrontent les rebelles de la région du Tigré, dans le nord du pays.
- "Abandonnés" -
Alia Ibrahim, une autre Ethiopienne vivant dans ce camp à Aden, regrette sa vie "meilleure" à Sanaa dont elle a, elle aussi, été chassée. "Au moins là-bas, on vivait dans des appartements où on pouvait fermer la porte. Ici, nous n'avons rien".
Environ 40.000 personnes ont été chassées de Saana par les Houthis et "abandonnées" à leur sort à Aden, explique à l'AFP Nadia Hardman, chercheuse pour l'ONG Human Rights Watch.
Selon elle, lorsque les migrants arrivent au Yémen, "la moitié d'entre eux ne savent pas que le pays est en guerre", fait-elle remarquer.
"Ils sont confrontés à des dangers mortels pendant leur voyage, tous n'arrivent pas à destination", dit la chercheuse.
Avec le soutien de l'OIM, des centaines d'Ethiopiens ont réussi à quitter le Yémen ces dernières années.
Selon Mme Hardman, "certains essaient cependant d'y retourner, dans l'espoir d'une vie meilleure".
Vos commentaires