Vérifier semble être le cadet des soucis des candidats à la Maison Blanche, qui multiplient les déclarations à l'emporte-pièce même quand elles sont contredites par les faits.
Le milliardaire américain Donald Trump et son rival des primaires républicaines Ben Carson ont récemment chacun assuré avoir vu des images de musulmans célébrant aux Etats-Unis les attentats du 11 septembre 2001 à New York, une légende urbaine maintes fois démentie.
Leur concurrente Carly Fiorina a aussi faussement déclaré que les Etats-Unis s'apprêtaient à accueillir 250.000 réfugiés syriens, quand le républicain Marco Rubio affirmait que les soudeurs gagnaient davantage que les philosophes.
Les démocrates ne sont pas en reste. Hillary Clinton a ainsi affirmé que son usage exclusif d'une messagerie privée lorsqu'elle était chef de la diplomatie était "autorisé" - ce n'est ni vrai ni faux, car à l'époque le département d'Etat dissuadait ses fonctionnaires de le faire, sans strictement l'interdire.
Ce genre de propos sont le lot de chaque campagne, mais ils sont cette fois particulièrement incendiaires, notamment dans la bouche de Donald Trump.
"Il n'est pas possible de quantifier rigoureusement les erreurs pour dire si elles sont devenues plus ou moins nombreuses avec le temps", affirme Brendan Nyhan, professeur au Dartmouth College. "Mais c'est juste de dire que Donald Trump est sur le point de faire exploser les sites de vérification des faits avec ses déclarations".
Donald Trump a déclaré cette année que le taux de chômage aux Etats-Unis était de 42%. Plus récemment, il a retweeté un graphique qui, parmi d'autres chiffres, affirmait que 81% des Blancs victimes d'homicide avaient été tués par des Noirs, alors que le chiffre du département de la Justice est de 15%, selon le site PolitiFact.
Interrogé par Fox News sur cette erreur, Trump a répondu: "je n'ai pas tweeté, j'ai retweeté quelqu'un qui était censé être un expert (...) Est-ce que je dois vérifier tous les chiffres?"
- "Mensonges racistes" -
Dans un éditorial mardi, le New York Times a affirmé que la campagne présidentielle la semaine dernière avait été "dominée par les mensonges racistes de Donald Trump".
Mais même contredits par les faits, les candidats persistent. Donald Trump semble avoir pour principe de ne jamais revenir sur ses propos, quitte à éluder et changer de sujet.
Cet entêtement surprend jusqu'aux experts qui vérifient les propos de campagne. "Je me gratte souvent la tête en me demandant comment ils peuvent dire des choses complètement fausses sans même reconnaître ensuite leurs erreurs", dit Bill Adair, fondateur de PolitiFact et professeur de journalismes à la Duke University.
Le républicain Jeb Bush a assuré par exemple que "la Floride était en tête dans le pays pour la création d'emplois" quand il était gouverneur de cet Etat. Sa déclaration a reçu "quatre Pinocchio" --une très mauvaise note-- des vérificateurs du Washington Post.
Ted Cruz, autre candidat à la Maison Blanche, a maintenu que le chômage chez les hispaniques et les adolescents avait augmenté sous la présidence Obama, en dépit de statistiques contraires.
L'analyste du Boston College Emily Thorson explique que la "désinformation" peut avoir des conséquences à long terme, "même si c'est corrigé rapidement". Si on dit aux gens par exemple qu'un restaurant est infesté par des parasites, ils vont s'en méfier même s'ils savent que c'est faux.
"C'est difficile de revenir sur des premières affirmations", dit-elle à l'AFP. "L'erreur se répand et est répétée".
La recherche menée par Mme Thorson montre que lorsque les gens entendent des choses négatives d'un candidat qui s'avèrent fausses, une correction ne fait qu'"atténuer" l'impact, sans l'annuler.
Les chercheurs affirment aussi qu'en politique, la vérité est un concept partisan: les sympathisants des candidats sont rarement influencés par ces vérifications.
"Il y a des gens qui ne croiront pas la correction si le sujet est lié à leur identité partisane", explique Mme Thorson.
Brendan Nyhan estime que le "fact checking", la vérification des propos des candidats, "peut être inefficace voire contre-productive quand elle touche aux questions politiques les plus controversées" car "les gens tendent à résister aux informations qui contredisent leurs convictions et leurs attitudes de départ".
Pour autant, il ne faut pas sous-estimer l'intérêt des vérifications car elles "aident à empêcher les élites" de tenir des propos faux.
Vos commentaires