Donald Trump a pour la première fois, jeudi, mêlé Huawei --une entreprise chinoise qu'il accuse de menacer la sécurité des Etats-Unis-- et les négociations pour mettre fin à la guerre commerciale avec Pékin.
Le numéro deux mondial des smartphones est "très dangereux. Quand vous regardez ce qu'ils ont fait d'un point de vue de la sécurité, d'un point de vue militaire. Très dangereux. Mais il est possible que Huawei soit inclus dans un accord commercial. Si on a un accord, je vois bien Huawei inclus d'une manière ou d'une autre", a dit le président américain au cours d'une conférence de presse très décousue.
En pleine guerre commerciale sino-américaine, l'administration Trump a placé Huawei sur une liste de sociétés suspectes auxquelles il est interdit de vendre des équipements technologiques de crainte que Pékin ne s'en serve à des fins d'espionnage.
Même si l'interdiction a été suspendue pour trois mois, il en va néanmoins de la survie même du groupe chinois, selon des experts: Huawei dépend largement pour ses téléphones de puces électroniques fabriquées aux Etats-Unis.
Poussé par un journaliste à donner davantage de détails sur la façon dont le groupe chinois pourrait être intégré à des négociations déjà difficiles, M. Trump est resté très évasif: "Il est trop tôt pour le dire. Nous sommes très inquiets (du risque que présente) Huawei du point de vue de la sécurité".
Pour l'heure, les deux dossiers avaient été tenus bien séparés alors que services de renseignements et diplomates américains tentent depuis de longs mois de convaincre leurs principaux partenaires de ne pas travailler avec le groupe chinois.
Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait exprimé jeudi matin encore l'espoir "que ces deux questions (Huawei et le commerce) restent séparées", après que le gouvernement chinois a menacé de geler les négociations commerciales si les Américains ne faisaient pas preuve de "sincérité".
- "Protestation solennelle" -
Dans un entretien avec la chaîne CNBC, M. Pompeo gardait espoir de trouver un accord commercial avec la Chine tout en accusant Huawei de mentir sur ses liens avec le gouvernement chinois.
"Le PDG de Huawei ne dit pas la vérité au peuple américain ni au monde" quand il affirme qu'il n'a pas de lien avec le gouvernement, a accusé M. Pompeo, citant la législation chinoise qui, selon lui, force les entreprises du pays à collaborer avec les autorités.
Au même moment, des élus américains des deux bords --un événement rare-- ont proposé un texte de loi pour protéger le futur réseau 5G américain du fabricant chinois.
Cette loi doit empêcher "les entreprises qui reçoivent des instructions d'un adversaire étranger d'infiltrer notre réseau national de communications", a déclaré Mark Warner, un sénateur démocrate.
Pékin avait, plus tôt, haussé le ton en annonçant avoir adressé "une protestation solennelle" à Washington.
Et le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi avait dénoncé mercredi un "harcèlement économique" destiné à "entraver le processus de développement" de son pays. Il a promis que Pékin se battrait "jusqu'au bout".
Malgré le répit accordé par Washington pour couper l'accès de Huawei à la technologie américaine, plusieurs groupes ont préféré prendre les devants face aux incertitudes planant désormais sur les produits du géant chinois des télécoms.
- Panasonic, Vodafone, etc. -
Le géant japonais de l'électronique Panasonic a ainsi rejoint jeudi la liste des grands groupes technologiques ayant annoncé une rupture de certains liens avec le Chinois et ses 68 filiales.
Cela concerne des produits de Panasonic fabriqués complètement ou partiellement aux Etats-Unis mais le volume est faible et l'impact limité, a précisé à l'AFP une source proche du groupe.
Toshiba a annoncé la suspension de ses livraisons à Huawei pour vérifier que ses produits ne comportaient pas de composants "made in USA".
Mercredi déjà, de grands opérateurs nippons (KDDI, Softbank) et britanniques (Vodafone, EE) ont annoncé un report du lancement de nouveaux modèles du groupe chinois, ces appareils pouvant perdre une grande partie de leur intérêt sans l'apport de technologies américaines.
Pourrait s'ajouter à la liste un autre britannique, ARM. Le groupe, qui conçoit des semi-conducteurs utilisés par l'ensemble de l'industrie des télécoms, a fait savoir qu'il appliquait la consigne de Washington.
Dès dimanche, Google avait donné le la en disant que son système d'exploitation Android, présent dans l'immense majorité des téléphones dans le monde, n'équiperait plus les futurs smartphones de Huawei.
En réaction, ce dernier travaille sur son propre système concurrent, HongMeng, qui pourrait être prêt en Chine avant la fin de l'année, selon Richard Yu, un haut responsable de Huawei cité par CNBC.
A l'international, le système serait disponible en début d'année prochaine, selon la même source.
Le regain de tensions a pesé fortement sur les marchés en Asie et aux Etats-Unis. Le Fonds monétaire international a de nouveau mis en garde contre les conséquences néfastes de la guerre commerciale entre les deux premières puissances économiques mondiales pour la croissance.
Pékin peut toutefois toujours compter sur son allié vénézuélien: le président Nicolas Maduro a critiqué sur la télévision publique la "terrible agression" de la part de Donald Trump, et annoncé avoir ordonné "un investissement immédiat" dans "la technologie de Huawei, ZTE et toutes les entreprises chinoises et russes, pour que nous puissions élever nos capacités" de connexion à internet. Sans davantage de précisions.
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